La maison de Marguerite
«Marguerite et son époux occupaient entièrement l’étage supérieur d’un magnifique hôtel particulier entouré d’un jardin et situé dans l’une des petites rues qui avoisinent la place de l’Arbat. Séjour enchanteur! Du reste, chacun peut s’en convaincre, s’il veut bien aller voir ce jardin. Qu’il s’adresse à moi, je lui donnerai l’adresse et je lui indiquerai le chemin, la propriété est encore intacte...»
Voilà comment Boulgakov décrit la maison de Marguerite dans un des passages où il s’adresse directement au lecteur en tant que chroniqueur.
Points de vue différents
Dans les ruelles traversales de l'Arbat il y a beaucoup de maisons qui correspondent plus ou moins à la description de Boulgakov. Sur internet il y a beaucoup de fanatiques qui vont très loin dans leurs efforts pour la trouver, ils étudient la direction de l'incidence de la lumière de la lune et même la perspective de l'endroit d’où Marguerite a pu voir en bas son voisin Nikolaï Ivanovitch – comme si le banc sur lequel celui-là était assis n’a jamais pu avoir été déplacé.
On peut douter du sens de tels efforts. Dans les descriptions d'autres lieux dans le roman, Boulgakov a souvent mélangé des détails de différents endroits, ou il déplaça des bâtiments existants à d'autres endroits, où cela lui convenait mieux. Pensez, par exemple, à Dramlit, la maison Spaso ou Griboïedov. Mais il y a toujours une raison pour faire cela et Boulgakov donne souvent des indications dans la satire pour localiser l’endroit et lui donner un sens. Cependant, il donne peu d'indications pour la maison de Marguerite. Au contraire: il dit même explicitement qu'il ne veut pas le dire en public – pas tous les lecteurs ne peuvent pas le savoir, parce qu'il veut seulement donner l'adresse à ceux qui «veulent bien aller voir ce jardin». Cela nous mène à penser qu'il décrit ici une maison de son environnement personnel proche et qu’elle devrait rester là, ou peut-être qu’il n'est pas pertinent de connaître l’endroit exact pour pouvoir comprendre le roman.
L'itinéraire de Boulgakov
En tout cas, s’il faut vraiment le faire, je suis disposé à situer la maison de Marguerite et son mari dans la rue Taneïevoutch, (aujourd’hui le passage Mali Vlasevski). Pour faire cela, je me base sur une indication présentée par Boulgakov lui-même dans le chapitre 21 du roman. Comme il donne une description vraiment détaillée du vol de Marguerite sur le balai, il suffit de le suivre dans le sens inverse. Elle passe d’abord «au-dessus de la grille, à travers les branches de l’érable, dans la rue». Alors elle est entrée «dans une autre rue qui coupait la sienne à angle droit» (la rue Sivtsev Vrajek) et a passé «une de ces échoppes de planches, où l’on vend du pétrole dans des gobelets, pour voler à la troisième» (la rue de Kapochine) qui, en effet, «conduit directement à l'Arbat, près du théâtre de Vakhantov» où elle passait devant «les tubes lumineux éblouissants».
Sur la carte suivante, vous pouvez suivre la description de Boulgakov du vol de Marguerite, de la Taneïevoutch oulitsa jusqu'à la maison Dramlit.
Le vol de Marguerite
Dans le passage Mali Vlasevski il y a – ou mieux: il y avait – deux maisons correspondant très bien à cette description. La première est le numéro 12, une maison à deux étages et un beau jardin, une grille de fonte et une porte. La deuxième est le numéro 10, dont la description correspond tout à fait à la maison décrite dans le roman, au moins jusqu'à la période avant 1964, l'année au cours de laquelle elle a été démolie. Au même endroit se situe maintenant un grand immeuble sans caractère.
La maison de Marguerite avant 1964
Boulgakov doit avoir connu ces deux maison très bien. Parce que là, ou juste à côté, au numéro 9a – les sources ne sont pas unanimes – a vécu Olga Sergueïevna Bokchanskaïa (1891-1948), la sœur d’Ielena Sergueïevna, la femme de Boulgakov. Olga Sergueïevna était l’assistante personnelle de Vladimir Nemirovitch-Danchenko, un des deux fondateurs du théâtre d'art de Moscou MKhAT. Elle habitait dans la rue Taneïevutch avec son mari Ievgueni Vasilevitch Kalouchki (1896-1966), un acteur du MKhAT. C'est au moins ce dont se souvient Marina Vladimirovna Dmitrieva (1917-?), née Pastoukhova, l'épouse de l'artiste Vladimir Vladimirovitch Dmitriev (1900-1948). Les Dmitriev étaient des bons amis de Boulgakov.
Le passage Maly Vlasevski n° 12 et n° 10 en 2015
Boulgakov avait une relation plutôt compliquée avec Olga Sergueïevna et son époux. Olga était inconditionnellement fidèle à son patron et plutôt insensible aux talents et sentiments de Boulgakov, ce qui pouvait irriter Ielena Sergueïevna énormément. Olga était aussi folle d'Aleksandr Nikolaïevitch Afinogenov (1904-1941), un communiste pur et dur qui a entravé Boulgakov souvent au théâtre d'art de Moscou MKhAT et qui a toujours eu, selon Boulgakov, un traitement favorable de la part de l'administration de théâtre.
D'autre part, Boulgakov pouvait aussi apprécier sa belle-sœur. Parce c’est à elle qu'il a dicté le texte du Maître et Marguerite entre fin mai et début juin 1938. Olga était une dactylo très adroite et elle est restée assez désapprobatrice au roman jusqu'à la fin, mais Boulgakov a dit qu'elle avait fait un très bon travail, souvent jusqu'à ce qu'elle était vraiment épuisée et dans une de ses lettres à sa femme il a souligné sa «persévérance unique».
Clairvoyance
Est-ce que Boulgakov était un clairvoyant ? Marina Vladimirovna Dmitrieva a dit qu'un jour elle se promenait avec Boulgakov dans Taneïevoutch ulitsa, quand il a dit à l'improviste: «quand je meurs, je deviens votre enfant». Boulgakov est mort le 10 mars 1940. Et oui, neuf mois plus tard, le 10 décembre 1940, Marina Vladimirovna Dmitrieva a accouché d’un bébé, Anna Vladimirovna Dmitrieva. Ce bébé deviendrait plus tard une joueuse de tennis talentueuse. Plus tard, elle deviendrait un commentateur sportif pour terminer sa carrière comme directeur général de la section des sports de NTV-Plus. Son deuxième mari, Dimitri Nikolaïevitch Tchoukovski (°1943), est l'auteur d'un documentaire télévisé sur Mikhaïl Boulgakov.
En janvier 2012, la maison au passage Mali Vlasevski n° 12 à Moscou a été mise en vente. Le prix demandé était de 42 millions de dollars. Dans ce prix était incluse la ferme située à côté. Aujourd'hui, le bâtiment est entièrement restauré à son ancienne gloire.
Le passage Maly Vlasevski no. 12 en 2015
Métro: Арбатская (Arbatskaya), Смоленская (Smolenskaya)
Sous-titres français
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