Richard Pevear et Larissa Volokhonsky

Source: Richard Pevear et Larissa Volokhonsky ont traduit le roman en 1979 en anglais et ont écrit une introduction très compréhensible.

Le maître et Marguerite

Mikhaïl Boulgakov a travaillé sur ce livre lumineux tout au long d'une des décades les plus sombres du siècle. Ses dernières révisions ont été dictées à sa femme quelques semaines avant sa mort en 1940 à l'âge de quarante-neuf ans. Pour lui, il n'y avait jamais de question de publier le roman. La simple existence du manuscrit, si elle avait été venue à la connaissance de la police de Staline, aurait sûrement causé la disparition permanente de son auteur. Pourtant le livre était très important pour lui et il a certainement cru qu'un temps viendrait qu'il pourrait être publié. Encore vingt-six ans ont dû passer avant que cette conviction serait réalité et que Le maître et Marguerite, par ce qui semblait avoir été une erreur surprenante dans la politique littéraire soviétique, a finalement été publié. L'effet était électrifiant.

La revue mensuelle Moskva, autrement une publication assez prudente et silencieuse, a publié la première partie du Maître et Marguerite dans son édition de novembre 1966. Les 150,000 copies étaient vendues dans quelques heures. Dans les semaines suivantes, des lectures de groupe ont été tenues, des gens se sont rencontrés pour citer et comparer leurs passages préférés, on ne parlait de peu d'autre. Certaines phrases du roman sont immédiatement devenues proverbiales. Le language du roman était en contradiction de tout ce qui était officiel et imposé. C'était une joie de parler.

Quand la deuxième partie a apparu dans l'édition de janvier de 1967 de Moskva, il a été accueilli avec le même enthousiasme. Pourtant ce n'était pas l'excitation provoquée par l'émersion d'un nouvel auteur, comme quand Une journée d'Ivan Denissovitch écrit par Alexandre Soljenitsyne a apparu dans le magazine Novy Mir en 1962. Boulgakov n'était ni inconnu, ni oublié. Ses pièces de théâtre avaient commencé à réapparaître dans les théâtres à la fin des années cin-quante et avaient été publiées en 1962. Sa Vie de Monsieur de Moliere était sortie dans cette même année. Ses premières histoires abaient été réimpri-mées. Alors, en 1965, le Roman Théâtral, basé sur ses années d'expérience avec l'illustre Théâtre D'art MKhAT de Moscou de Stanislavsky a été publié. Et finalement en 1966 un volume de sélection de prose a été publié, en contenant le texte complet du premier roman de Boulgakov. La Garde Blanche, avait été écrite au cours des années vingt et s'agissait des événements de la guerre civile russe dans sa ville natale Kiev et en Ukraine. C'ést un roman qui, avec son portrait très clair de courage et de faiblesse humaine, se situe parmi les plus vraies images de guerre dans toute la littérature.

Boulgakov était alors assez bien connu. Mais, à l'exception d'un très petit groupe, l'existence du maître et Marguerite n'était pas connue du tout. Cela explique bien sûr la stupeur provoquée par sa publication. On l'a cru que pratiquement tout l'œuvre de Boulgakov avait été publié d'une manière ou autre. Et tout d'un coup on n'était pas confronté avec quelques restants littéraires mineures, mais avec un roman important, le chef d'œuvre de l'auteur. Alors il y avait les qualités du roman lui-même - son originalité formelle, sa satire ravageuse de la vie soviétique et de la vie littéraire soviétique en particulier, son interprétation 'théâtrale' de la Grande Terreur des années trente, l'impudence de son portrait de Jésus Christ et de Ponce Pilate, pour ne pas mentionner le Satan. Mais, avant tout, le roman respirait un air de liberté, artistique et spirituelle, qui était devenu rare effectivement, et non seulement en Russie soviétique. Nous le sentons dans le ton spécial du style de Boulgakov, une combinaison du rire (la satire, la caricature, la bouffonnerie) et de la vulnérabilité non protégée. Deux aphorismes détachables du roman peuvent suggérer quelque chose de la nature complexe de cette liberté et comment elle peut avoir frappé les premiers lecteurs du roman. La première est l'expression souvent citée «Les manuscrits ne brûlent pas», qui semble exprimer une confiance absolue dans le triomphe de la poésie, l'imagination et les libres paroles, sur la terreur et l'oppression et qui pourrait ainsi devenir un mot d'ordre de l'intelligentsia. La publication du Maître et Marguerite était considérée comme une preuve de l'assertion. En fait, pendant un moment de peur dans un stade assez tôt de la genèse du roman, Boulgakov a réellement brûlé qu'il avait écrit. Et encore, comme nous voyons, l'œuvre a survécu le feu. Ce moment de peur, pourtant, m'apporte au deuxième aphorisme - «Parmi tous les défauts humains, l’un des plus graves est la lâcheté» - qui est répété dans de légères variations dans le roman. De manière plus pénétrante que  «Les manuscrits ne brûlent pas», cette phrase a touché l'expérience intérieure de générations de Russes. Pour décrire cette expérience avec une telle franchise a exigé une autre sorte de liberté et un amour pour plus «que "la culture». La reconnaissance pour une telle expression parfaite de cet autre liberté plus profonde doit sûrement avoir fait partie de la réponse exaltée des lecteurs à la première publication du roman.

Et ensuite il y avait l'invraisemblance absolue de sa publication. En 1966 le «dégel» qui avait suivi la mort de Staline était fini et une nouvelle période de répression avait commencée. Les espoirs réveillés par la publication d’Une journée d'Ivan Denissovitch, la première reconnaissance publique de l'existence du Goulag, avaient été déçus. En 1964 il y avait le procès notoire du poète Joseph Brodsky et une année plus tard le procès des auteurs Andrei Siniavsky et de Iouli Daniel, tous les deux ont été condamnés à un séjour dans ce même Goulag. Soljenitsyne avait vu s'approcher une nouvelle Stalinisation, rendue encore pire par le sens terrible de répétition, stagnation et impuissance. Tel était l'atmosphère monotone et menaçante de l'ère Brejnev. juste à ce moment a subitement apparu Le maître et Marguerite, non seulement une anomalie, mais une impossibilité, une sorte d'erreur cosmique, l'évidence d'une rupture cachée mais fatale dans le système de pouvoir soviétique. Le peuple com-mençait à se demander, comment ils ont pu laissé passer.

Boulgakov a commencé le travail sur la première version du roman au début de 1929, ou peut-être à la fin de 1928. Il l’a abandonné, repris de nouveau, brûlé, ressuscité, remanié et révisé plusieurs fois. Tout cela a accompagné Boulgakov à travers la période de la plus grande souffrance pour son peuple - la période de collectivisation forcée et du premier plan de cinq ans, qui a décimé la paysannerie de la Russie et qui a détruit son agriculture, la période d'expansion du système de camps de travail, de la pénétration de la police secrète dans tous les aspects de la vie, de la liquidation de l'intelligentsia, des purges vastes du parti et des «procès de Moscou». Dans la littérature la même lutte a continué en miniature mais avec les mêmes résultats. Boulgakov n'a pas été arrêté, mais en 1930 il s'est trouvé tellement exclu qu’il ne pouvait plus publier ou produire son travail. Dans une lettre extraordinairement directe au gouverne-ment central, il a demandé la permission d'émigrer, parce que l'hostilité des pouvoirs littéraires l'avait rendu impossible pour lui de vivre. Si l’émigration n’était pas permise, «et si je suis condamné à me taire en Union soviétique le restant de mes jours, je demande au gouvernement soviétique de me donner un emploi dans ma spécialité et de m’affecter à un théâtre en tant que metteur en scène titulaire». Staline lui-même a répondu à cette lettre par un appel téléphonique le 17 avril et peu après le Théâtre D'art de Moscou a engagé Boulgakov comme directeur-adjoint et conseiller littéraire. Pourtant, pendant les années trente seulement ses adaptations pour la scène des Âmes Mortes de Gogol et de Don Quichote de Cervantes ont trouvé un déroulement normal. Ses propres pièces n'ont pas été représentées du tout ou ont été vite retirées et sa Vie de Monsieur de Molière, écrite en 1932 - 5 pour la collection Vies d'Hommes Illustres, a été rejetée par l'éditeur. Ces circonstances sont présentes partout dans Le maître et Marguerite, qui était dans un sens le défi de Boulgakov au pouvoir de terreur dans la littérature. Les stades successifs de son travail sur le roman, ses évaluations changeantes de la nature du livre et de ses caractères, reflètent des événements dans sa vie et son approfondissement de ce qui était en jeu dans sa lutte. J'esquisserai brièvement ce que l'étude de ses archives a révèlé de ce processus.

Le roman dans sa version définitive est composé de deux parties distinctes mais entrelacées, une qui joue dans le Moscou contemporain, l'autre dans le Jérusalem ancien (appelé Yerchalaïm dans le texte original). Les caractères principaux sont Woland (le Satan) et son escorte, le poète Ivan Biezdomny, Ponce Pilate, un auteur anonyme connu comme «le maître» et Marguerite. L'histoire de Pilate est condensée dans quatre chapitres et concentrée sur quatre ou cinq figures centrales. L'histoire de Moscou inclut toute une panoplie de caractères mineurs. L'histoire de Pilate, qui passe par une succession de narrateurs, rejoint finalement l'histoire de Moscou à la fin, quand les destins de Pilate et du maître sont simultanément décidés. La première version, racontée par un chroniqueur dans la première personne et intitulée Le Sabot de l'Ingénieur, et a été écrite dans les premiers mois de 1929. Il n'a contenu aucune trace de Marguerite et seulement une allusion légère au maître dans un personnage moins important qui représentait la vieille intelligentsia. L'histoire de Pilate était confinée à un simple chapitre. Cette version incluait l'essentiel de la satire de Moscou, qui ensuite a subi juste des révisions mineures et quelques réarrangements. Ele commençait presque exactement comme la version définitive, avec un dialogue entre un poète du peuple et un rédacteur en chef (ici d'un magazine antireligieux. L'Impie) sur l’image de Christ comme un exploiteur du prolétariat. Un étranger (Woland) apparaît et, étonné par leur incrédulité, il les époustoufle avec un compte de témoin oculaire de la crucifixion de Christ. Ce compte forme le deuxième chapitre, intitulé «l'Évangile de Woland».

Clairement, ce qui a d'abord incité Boulgakov à écrire le roman était son indignation à l’image de Christ dans la propagande antireligieuse soviétique (l'Impie était une revue mensuelle athéiste réelle, publiée entre 1922 et 1940). Sa réponse était fondée sur un renversement simple - une histoire circonstanciée vivante de ce qui a été pensé être «un mythe» inventé par la classe dirigeante et une décomposition de la réalité évidente de la vie à Moscou par l'intrusion de l'étranger. Cet artifice, fondamental pour le roman, sera élaboré plus profondément dans sa forme finale. La satire littéraire a été présente du début aussi. Le cinquième chapitre de la version définitive, intitulé Ce qui s’est passé à Griboïedov, était déjà entièrement inclu dans ce premier brouillon, où il était intitulé Mania Furibunda. En mai 1929, Boulgakov a envoyé ce chapitre à un éditeur, qui l'a rejeté. C'était son seul essai de publier n'importe quoi du roman.

La deuxième version, rédigée plus tard dans la même année, était une révision des quatre premiers chapitres, les épisodes étaient un peu plus élaborées et la mort de Judas était ajoutée au deuxième chapitre, qui commençait aussi à se détacher de Woland et à devenir une histoire plus autonome. Selon la femme de l'auteur, Elena Sergueïevna, Boulgakov a partiellement détruit ces deux versions au printemps 1930 - «je les ai lancés dans le feu», dans les propres mots de l'auteur. Ce qui a survécu étaient deux grands cahiers avec beaucoup de pages détachées. C'était au sommet des attaques sur Boulgakov dans la presse, et au moment de sa lettre au gouvernement soviétique.

Après cela sont venus quelques notes dispersées dans deux cahiers, gardés par intermittence pendant les deux ans prochains, qui était un temps très difficile pour Boulgakov. Dans le coin supérieur du deuxième, il a écrit : 'Seigneur, aidez-moi à finir mon roman, 1931.' Dans un fragment d'un chapitre plus tard, intitulé «le Vol de Woland», il y a une référence à quelqu'un auquel l’on parlait avec familiarité - il était tutoyé - auquel on dit qu'il se rencontrera avec Schubert et que l’aube se lèvera pour lui. C'est évidemment le maître, bien que l'on ne l'appelle pas encore ainsi. Il y a aussi la première mention du nom de Marguerite. Dans l'esprit de Boulgakov, les contours principaux d'une nouvelle conception du roman étaient apparemment déjà clairs.

Cette nouvelle version il a commencée à écrire sérieusement en octobre de 1932, lors d’une visite à Léningrad avec Elena Sergueïevna, avec qu'il se venait de marier. Elle était le modèle pour la Marguerite, qui avait maintenant fait son entrée dans la roman, elle a été auparavant mariée à un haut  fonctionnaire militaire, qui s'est pour quelque temps opposé à son désir de le quitter pour l'auteur, ce qui faisait penser Boulgakov qu’il ne la verrait jamais de nouveau. Sa femme a été surprise qu'il pourrait continuer de travailler sans avoir aucune note ou sans pouvoir consulter les premiers brouillons, mais Boulgakov a expliqué, «je le connais par coeur». Il a continué à travailler, avec de longues interruptions, jusqu'à 1936. Il considérait de nouveaux titres différents, ils faisaient toujours référence au Satan comme la figure centrale - le Grand Chancelier, le Satan, Me Voici, le Théologien Noir, Il est arrivé, le Conseiller à sabots. Comme dans la première version, le temps de l'action est du 24 au 25 juin, le festin de Saint-Jean, traditionnellement un temps d'ensorcellements magiques (plus tard il a été déplacé au temps de la lune complète printanière). L'ami anonyme de Marguerite est appelé Faust dans quelques notes, mais pas dans le texte proprement dit. Il est aussi appelé 'le poète' et il est l'auteur d'un roman qui correspond au «Évangile de Woland» des premiers brouillons. Cette section historique est maintenant divisée et déplacée à un endroit à la fin du roman, se rapprochant à l'arrangement de la version finale.

Boulgakov a peiné surtout sur la conclusion du roman et sur quelle récompense il fallait offrir au maître. La fin apparaît pour la première fois dans un chapitre intitulé le Dernier Vol, qui date du mois de juillet de 1936. Elle diffère peu de la version finale. Pourtant, on dit au maître explicitement et directement:

«La maison sur Sadovaïa et l’horrible Bossoï disparaîtront de votre mémoire, mais avec eux disparaîtront également Ha-Nozri et le hegemon pardonné. Ces choses ne sont pas pour votre esprit. Vous ne vous lèverez jamais plus haut, vous ne verrez pas Yeshoua, vous ne quitterez jamais votre refuge».

Dans une note précédente, Boulgakov avait écrit de manière encore plus explicite: «Vous n'entendrez pas la liturgie. Mais vous écouterez les romantiques...» Ces mots, qui n'apparaissent pas dans le texte définitif, nous disent comment Boulgakov a pesé douloureusement la question de lâcheté et de culpabilité dans la considération du destin de son héros et comment nous devrions comprendre la fin de la version finale. Ils indiquent aussi un lien thématique entre Pilate, le maître et l'auteur lui-même, en raccordant les parties historiques et contemporaines.

Dans une brève révision de 1936-1937, Boulgakov a rapporté le début de l'histoire de Pilate au deuxième chapitre, où il resterait et dans un autre révision de 1937-1938 il a finalement trouvé la marée définitive pour le roman. Dans cette version, le narrateur original, 'un chroniqueur' caractéristique, est enlevé. Le nouveau narrateur est cette voix aisée - qui se déplaçe librement de l'obser-vation détachée à l’ironie, à l'interjection la plus personnelle - ce qui est peut-être la réalisation ultime de l'art de Boulgakov.

Le premier texte dactylographié du Maître et Marguerite, qui date de 1938, a été dicté par Boulgakov sur base de cette dernière révision, avec beaucoup de changements en cours de route. En 1939 il a fait des modifications dans le texte dactylographié, dont les plus importantes concernent le destin du héros et de l'héroïne. Dans la dernière version manuscrite, le destin du maître et de Marguerite, leur annoncée par Woland, est de suivre Pilate en haut du sentier de clair de lune pour trouver Yeshoua et la paix. Dans le texte dactylographié, le destin du maître, annoncé à Woland par Matthew Levi, qui parle au nom de Yesohua, n’est plus de suivre Pilate, mais d’aller à son 'refuge éternel' avec Marguerite, dans un cadre plutôt Romantique-allemand, avec la musique de Schubert et des cerisiers, qui commencent à fleurir. Lorsque Woland pose la question ‘Mais pourquoi ne le prenez-vous pas avec vous, dans la lumière?' Levi répond dun ton affligé : «Il n’a pas mérité la lumière, il n’a mérité que le repos». Boulgakov, en réflichissant toujours sur le problème de la culpabilité du maître (et de sa propre culpabilité, pour ce qu'il a considéré des compromis différents, en incluant sa pièce de théâtre sur la jeunesse de Staline), est retourné à ses notes et révisions de 1936, mais il a éclairci leur sévérité avec une ironie énigmatique. Cela devait être la résolution définitive. Clairement, le maître ne doit pas être vu comme un martyre héroïque pour l'art , ni comme un personnage comme le Christ. L'ironie douce de Boulgakov est un avertissement contre la faute, plus commune dans notre temps que nous pourrions le penser, d'assimiler la maîtrise artistique à une sorte de sainteté, ou, dans les termes de Kierkegaard, de troubler l'esthétique avec l'étique.

Dans l'évolution du Maître et Marguerite, la satire de Moscou de Woland et son escorte contre les pouvoirs littéraires et la normalité imposée de la vie soviétique en général est présente dès le début et implique le maître quand il apparaît, en acquérant des détails de la propre vie de l'auteur et, avec cela, un ton plus personnel à côté de l'irrévérence badinant de l'escorte diabolique. L'histoire de Pilate, d'autre part, l'histoire d'un acte de lâcheté et d'un dialogue interrompu, gagne du poids et de l'indépendance comme au fue et à mesure que l’œuvre de Boulgakov évolue. D'un épisode simple, cela devient la partie centrale du roman, en déclenchant les événements contemporains et en servant comme leur mesure. Dans le style et la forme c'est un contrepoint au reste du livre. Finalement, le maître et Marguerite apparaissent assez tard dans le livre, et Marguerite vient pour dominer la deuxième partie du roman. Son histoire est un roman dans le vieux sens - la célébration d'une belle femme, d'un vrai amour et du courage personnel.

Richard Pevear et Larissa Volokhonsky
Richard Pevear et Larissa Volokhonsky

[Le reste de la traduction suivra bientôt...]

These three stories, in form as well as content, embrace virtually all that was excluded from official Soviet ideology and its literature. But if the confines of 'socialist realism' are utterly exploded, so are the confines of more traditional novelistic realism. The Master and Margarita as a whole is a consistently free verbal construction which, true to its own premises, can re-create ancient Jerusalem in the smallest physical detail, but can also alter the specifics of the New Testament and play variations on its principal figures, can combine the realities of Moscow life with witchcraft, vampirism, the tearing off and replacing of heads, can describe for several pages the sensation of flight on a broomstick or the gathering of the infamous dead at Satan's annual spring ball, can combine the most acute sense of the fragility of human life with confidence in its indestructibility. Bulgakov underscores the continuity of this verbal world by having certain phrases - «Oh, gods, my gods», «Bring me poison», «Even by moonlight I have no peace» - migrate from one character to another, or to the narrator. A more conspicuous case is the Pilate story itself, successive parts of which are told by Woland, dreamed by the poet Homeless, written by the master, and read by Margarita, while the whole preserves its stylistic unity. Narrow notions of the 'imitation of reality' break down here. But The Master and Margarita is true to the broader sense of the novel as a freely developing form embodied in the works of Dostoevsky and Gogol, of Swift and Sterne, of Cervantes, Rabelais and Apuleius. The mobile but personal narrative voice of the novel, the closest model for which Bulgakov may have found in Gogol's Dead Souls, is the perfect medium for this continuous verbal construction. There is no multiplicity of narrators in the novel. The voice is always the same. But it has unusual range, picking up, parodying, or ironically undercutting the tones of the novel's many characters, with undertones of lyric and epic poetry and old popular tales.

Bulgakov always loved clowning and agreed with E. T. A. Hoffmann that irony and buffoonery are expressions of «'the deepest contemplation of life in all its conditionality». It is not by chance that his stage adaptations of the comic masterpieces of Gogol and Cervantes coincided with the writing of The Master and Margarita. Behind such specific «influences» stands the age-old tradition of folk humour with its carnivalized world-view, its reversals and dethronings, its relativizing of worldly absolutes -- a tradition that was the subject of a monumental study by Bulgakov's countryman and contemporary Mikhail Bakhtin. Bakhtin's Rabelais and His World, which in its way was as much an explosion of Soviet reality as Bulgakov's novel, appeared in 1965, a year before The Master and Margarita. The coincidence was not lost on Russian readers. Commenting on it, Bulgakov's wife noted that, while there had never been any direct link between the two men, they were both responding to the same historical situation from the same cultural basis.

Many observations from Bakhtin's study seem to be aimed directly at Bulgakov's intentions, none more so than his comment on Rabelais's travesty of the «hidden meaning», the «secret», the «terrifying mysteries» of religion, politics and economics: «Laughter must liberate the gay truth of the world from the veils of gloomy lies spun by the seriousness of fear, suffering, and violence». The settling of scores is also part of the tradition of carnival laughter. Perhaps the most pure example is the Testament of the poet Francois Villon, who in the liveliest verse handed out appropriate «legacies» to all his enemies, thus entering into tradition and even earning himself a place in the fourth book of Rabelais's Gargantua and Pantagruel. So, too, Bakhtin says of Rabelais: «In his novel ... he uses the popular-festive system of images with its charter of freedoms consecrated by many centuries; and he uses it to inflict a severe punishment upon his foe, the Gothic age...» In this setting of consecrated rights Rabelais attacks the fundamental dogmas and sacraments, the holy of holies of medieval ideology.

And he comments further on the broad nature of this tradition: «For thousands of years the people have used these festive comic images to express their criticism, their deep distrust of official truth, and their highest hopes and aspirations». Freedom was not so much an exterior right as it was the inner content of these images. It was the thousand-year-old language of feariessness, a language with no reservations and omissions, about the world and about power.

Bulgakov drew on this same source in settling his scores with the custodians of official literature and official reality.

The novel's form excludes psychological analysis and historical commentary. Hence the quickness and pungency of Bulgakov's writing. At the same time, it allows Bulgakov to exploit all the theatricality of its great scenes - storms, flight, the attack of vampires, all the antics of the demons Koroviev and Behemoth, the seance in the Variety theatre, the ball at Satan's, but also the meeting of Pilate and Yeshua, the crucifixion as witnessed by Matthew Levi, the murder of Judas in the moonlit garden of Gethsemane.

Bulgakov's treatment of Gospel figures is the most controversial aspect of The Master and Margarita and has met with the greatest incomprehension. Yet his premises are made clear in the very first pages of the novel, in the dialogue between Woland and the atheist Berlioz. By the deepest irony of all, the 'prince of this world' stands as guarantor of the 'other' world. It exists, since he exists. But he says nothing directly about it. Apart from divine revelation, the only language able to speak of the 'other' world is the language of parable. Of this language Kafka wrote, in his parable On Parables: «Many complain that the words of the wise are always merely parables and of no use in daily life, which is the only life we have. When the sage says: 'Go over,' he does not mean that we should cross to some actual place, which we could do anyhow if it was worth the trouble; he means some fabulous yonder, something unknown to us, something, too, that he cannot designate more precisely, and therefore cannot help us here in the least. All these parables really set out to say simply that the incomprehensible is incomprehensible, and we know that already. But the cares we have to struggle with every day: that is a different matter».

Concerning this a man once said: «Why such reluctance? If you only followed the parables, you yourselves would become parables and with that nd of all your daily cares». Another said: «I bet that is also a parable». The first said: «You win». The second said: «But unfortunately only in parable». The first said: «No, in reality. In parable you lose».

A similar dialogue lies at the heart of Bulgakov's novel. In it there are those who belong to parable and those who belong to reality. There are those who go over and those who do not. There are those who win in parable and become parables themselves, and there are those who win in reality. But this reality belongs to Woland. Its nature is made chillingly clear in the brief scene when he and Margarita contemplate his special globe. Woland says: «For instance, do you see this chunk of land, washed on one side by the ocean? Look, it's filling with fire. A war has started there. If you look closer, you'll see the details».

Margarita leaned towards the globe and saw the little square of land spread out, get painted in many colours, and turn as it were into a relief map. And then she saw the little ribbon of a river, and some village near it. A little house the size of a pea grew and became the size of a matchbox. Suddenly and noiselessly the roof of this house flew up along with a cloud of black smoke, and the walls collapsed, so that nothing was left of the little two-storey box except a small heap with black smoke pouring from it. Bringing her eye stffl closer, Margarita made out a small female figure lying on the ground, and next to her, in a pool of blood, a little child with outstret-ched arms.

«That's it», Woland said, smiling, «he had no time to sin. Abaddon's work is impeccable». When Margarita asks which side this Abaddon is on, Woland replies: «He is of a rare impartiality and sympathizes equally with both sides of the fight. Owing to that, the results are always the same for both sides».

There are others who dispute Woland's claim to the power of this world. They are absent or all but absent from The Master and Margarita. But the reality of the world seems to be at their disposal, to be shaped by them and to bear their imprint. Their names are Caesar and Stalin. Though absent in person, they are omnipresent. Their imposed will has become the measure of normality and self-evidence. In other words, the normality of this world is imposed terror. And, as the story of Pilate shows, this is by no means a twentieth-century phenomenon. Once terror is identified with the world, it becomes invisible. Bulgakov's portrayal of Moscow under Stalin's terror is remarkable precisely for its weightless, circus-like theatricality and lack of pathos. It is a sub-stanceless reality, an empty suit writing at a desk. The citizens have adjusted to it and learned to play along as they always do. The mechanism of this forced adjustment is revealed in the chapter recounting Nikanor Ivanovich's Dream, in which prison, denunciation and betrayal become yet another theatre with a kindly and helpful master of ceremonies. Berlioz, the comparatist, is the spokesman for this «normal» state of affairs, which is what makes his conversation with Woland so interesting. In it he is confronted with another reality which he cannot recognize. He becomes «unexpectedly mortal». In the story of Pilate, however, a moment of recognition does come. It occurs during Pilate's conversation with Yeshua, when he sees the wandering philosopher's head float off and in its place the toothless head of the aged Tiberius Caesar. This is the pivotal moment of the novel. Pilate breaks off his dialogue with Yeshua, he does not 'go over', and afterwards must sit like a stone for two thousand years waiting to continue their conversation.

Parable cuts through the normality of this world only at moments.

These moments are preceded by a sense of dread, or else by a presentiment of something good. The first variation is Berlioz's meeting with Woland. The second is Pilate's meeting with Yeshua. The third is the «self-baptism» of the poet Ivan Homeless before he goes in pursuit of the mysterious stranger. The fourth is the meeting of the master and Margarita. These chance encounters have eternal consequences, depending on the response of the person, who must act without foreknowledge and then becomes the consequences of that action.

The touchstone character of the novel is Ivan Homeless, who is there at the start, is radically changed by his encounters with Woland and the master, becomes the latter's «disciple» and continues his work, is present at almost every turn of the novel's action, and appears finally in the epilogue. He remains an uneasy inhabitant of «normal» reality, as a historian who 'knows everything', but each year, with the coming of the spring full moon, he returns to the parable which for this world looks like folly.

Richard Pevear

A Note on the Text and Acknowledgements

At his death, Bulgakov left The Master and Margarita in a slightly unfinished state. It contains, for instance, certain inconsistencies - two versions of the 'departure' of the master and Margarita, two versions of Yeshua's entry into Yershalaim, two names for Yeshua's native town. His final revisions, undertaken in October of 1939, broke off near the start of Book Two. Later he dictated some additions to his wife, Elena Sergeevna, notably the opening paragraph of Chapter 32 («Gods, my gods! How sad the evening earth!»). Shortly after his death in 1940, Elena Sergeevna made a new typescript of the novel. In 1965, she prepared another typescript for publication, which differs slightly from her 1940 text. This 1965 text was published by Moskva in November 1966 and January 1967. However, the editors of the magazine made cuts in it amounting to some sixty typed pages. These cut portions immediately appeared in samizdat (unofficial Soviet «self-publishing»), were published by Scherz Verlag in Switzerland in 1967, and were then included in the Possev Verlag edition (Frankfurt-am-Main, 1969) and the YMCA-Press edition (Paris, 1969). In 1975 a new and now complete edition came out in Russia, the result of a comparison of the already published editions with materials in the Bulgakov archive. It included additions and changes taken from written corrections on other existing typescripts. The latest Russian edition (1990) has removed the most important of those additions, bringing the text close once again to Elena Sergeevna's 1965 typescript. Given the absence of a definitive authorial text, this process of revision is virtually endless. However, it involves changes that in most cases have little bearing for a translator.

The present translation has been made from the text of the original magazine publication, based on Elena Sergeevna's 1965 typescript, with all cuts restored as in the Possev and YMCA-Press editions. It is complete and unabridged.

The translators wish to express their gratitude to M. 0. Chudakova for her advice on the text and to Irina Kronrod for her help in preparing the Further Reading.

Richard Pevear and Larissa Volokhonsky

 

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