Les simulacres de procès en Russie

Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev

Comme président, Poutine a montré qu'il maîtrisait encore assez bien les techniques de l'ancien KGB. L'exemple le plus notable est peut-être les poursuites contre Mikhaïl Borisovitch Khodorkovski (°1963) et Platon Leonidovitch Lebedev (°1956), les anciens propriétaires de la société pétrolière Yukos. Khodorkovski s'est fait remarquer non seulement par sa critique de la corruption dans le système politique russe, mais aussi par son engagement à une politieque ouverte avec son mouvement Открытая Россия [Otkrytaïa Rossia] ou La Russie ouverte, et son soutien aux partis d'opposition.

Mikhaïl Khodorkovski
Mikhaïl Khodorkovski

En février 2003, lors d'une réunion télévisée au Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski a interrogé Poutine en public sur la corruption. Il a laissé entendre que les principaux responsables du gouvernement acceptaient millions de pots de vin et il a montré une présentation PowerPoint illustrant les coûts de la corruption pour l'économie russe. Le 25 octobre, Khodorkovski et Lebedev ont été arrêtés sur des soupçons d'évasion fiscale, de fraude et de détournement de fonds. Yukos a été démantelé, et les parties les plus rentables ont été transférées à Rosneft, une compagnie pétrolière qui était dirigée par Igor Ivanovitch Setchine (°1960). Setchine est un ancien espion du KGB et l'un des conseillers les plus conservatrices de Poutine. Il a été Vice-premier ministre dans le cabinet de Poutine et chef de la Комманда Силовиков [Kommanda Silovikov] ou Les hommes du pouvoir, un lobby des anciens agents du KGB, et donc des amis de Poutine, au Kremlin.

Platon Lebedev
Platon Lebedev

Dans une tentative dedétourner l'attention du procès, il a été mené dans la cour moins significative du district de Mechtchanski à Moscou. Dans les coulisses, cependant, le Kremlin et la Première Cour de Moscou, le plus haut organe judiciaire de la ville de Moscou, ont joué un rôle de guide. Le 31 mai 2005, Khodorkovski et Lebedev ont été condamnés à 9 ans de prison pour l'évasion fiscale et la fraude. Le 22 septembre 2005, le verdict a été confirmé en appel dans une session d'une journée et la peine a été réduite à 8 ans.

Comme il y avait un risque réel que Chodorkovski et Lebedev pourraient profiter d'une libération conditionnelle avant les élections présidentielles de 2012, et donc éventuellement perturber la réélection de Poutine en tant que président, des nouvelles «infractions» ont émergé, et un deuxième procès contre eux a été mis en scène. Cette fois-ci, ils ont été accusé du vol de 350 millions de tonnes de pétrole. Outre le fait que cela est physiquement impossible, il est apparu que le juge Viktor Nikolaevitch Danilkine (°1957) a été régulièrement «ajusté» par le Kremlin pendant le procès. Danilkine a eu des difficultés avec les accusations parfois absurdes et a dû régulièrement être mis «à la bonne voie».

Viktor Danilkine
Le juge Viktor Danilkine lit le verdict

Le 14 février 2011, Natalia Vasilieva, une assistante du juge Danilkine, a témoigné que le juge avait préparé son verdict dans le but de la présenter le 16 décembre 2010. Le 15 décembre, cependant, la présentation a été reportée au 27 décembre pour des raisons inconnues. Le 16 décembre, il est devenu clair pourquoi: ce jour-là, Poutine a fait un discours controversé dans lequel il a dit que Khodorkovski était un voleur et devrait donc être à la prison. Vasilieva a témoigné que le jugement initial de Danilkine a été modifié et qu'il a présenté ce nouveau verdict contre son gré. En conséquence de ce verdict ajusté, Khodorkovski et Lebedev ne pouvaient pas être libéré avant le mois d'août 2014.

En 2011, le président russe Dmitri Anatolievitch Medvedev (°1965) a demandé au Conseil des droits de l'homme du Kremlin pour enquêter l affaire Khodorkovski. Le Conseil a conclu que Khodorkovski et Lebedev étaient innocents. Cela n'a pas mené à une libération. Au contraire, les neuf membres du Conseil ont été accusés de corruption. Cinq d'entre eux ont fait l'objet d'interrogations et de poursuites. Certains ont perdu leur emploi ou ont dû aller à l'étranger. En outre, un troisième cas contre Khodorkovski et Lebedev était préparé.

Dans la période précédant les Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, un projet où Poutine voulait briller devant les yeux du monde entier, de nombreux dirigeants du monde avaient annoncé qu'ils ne seraient pas présents aux cérémonies. Des raisons réelles n'ont pas été données, mais il était clair que la manière dont les droits de l'homme ont été violés en Russie était à la base, surtout l'arrestation de 30 militants de Greenpeace quelques mois plus tôt, l'affaire Khodorkovski et la loi russe anti-gai. Le 17 décembre 2013, le président américain Barack Obama a dit qu'il ne viendrait pas lui-même. En plus, dans la délégation américaine il avait nommé deux gais notoires: la légende du tennis Billie Jean King (°1943) et lr joueur de hockey Caitlin Cahow (°1985). Selon la journaliste américano-russe Masha Gessen, Poutine surgit pour le spectre de se voir entouré par «seul le président ukrainien et deux homosexuels américains» lors de l'ouverture de son projet de prestige personnel. Quoi qu'il en soit, le 19 décembre 2013, Poutine a annoncé de façon inattendue que Mikhaïl Khodorkovski pourrait être libéré, ce qui s'est effectivement passé le lendemain. Le 20 décembre 2013, Khodorkovski a atterri comme un homme libre à Berlin. Selon Poutine, il est libre de revenir en Russie, mais on peut se demander si cela va se produire, comme les enquêtes sur le possible troisième procès n'ont pas été mises en arrêt.

Le 28 juillet 2014, la Russie a été condamnée par la Cour permanent d'arbitrage de La Haye pour la façon dont Mikhaïl Khodorkovski et Yukos ont été traités. Outre le fait que la Russie a été condamnée à payer une compensation de 50 milliards de dollars, la Cour a été très sévère dans sa motivation. Le démantèlement de Yukos a été politiquement motivé, dans le but de pousser l'entreprise à la faillite, de saisir ses actifs et de les céder à des entreprises d'Etat, et d'éliminer politiquement le chef de l'entreprise, Mikhail Khodorkovski.

Il s'agit de la plus grande compensation jamais accordée par la Cour à La Haye: elle est 20 fois plus grande que la deuxième, et ne prend même pas en compte les plaintes des actionnaires minoritaires dont les dossiers n'ont pas encore été examinés.

Les conséquences pour la Russie sont énormes: la somme égale 11 % des réserves financières du pays et 10 % du budget du gouvernement. En outre, il y aura des conséquences pour Rosneft, le géant de l'énergie qui a repris la plupart des actifs de Yukos, et dont BP est devenu un actionnaire minoritaire récemment. Les Russes étaient supposés de montrer l'argent le 2 janvier 2015 au plus tard, la date à laquelle les intérêts ont commencé à être calculés. Bien que la Russie ne peut pas contester le verdict, le Kremlin utilisera «tous les moyens possibles pour arrêter son exécution». Si le pays ne paie pas, la Convention d'arbitrage de 1958 permet la saisie de tous les actifs russes dans 150 pays pour exécuter le verdict.

Dans l'entourage de Poutine, on ne se sent pas concerné du tout. Une des personnes de son entourage a dit au Financial Times que le verdict était, dans le cardre des enjeux géopolitiques avec l'Ukraine, sans aucune importance: «Il y aura une guerre en Europe. Pensez-vous vraiment que ce cas semble important.?»

Le 20 septembre 2014, Mikhaïl Khodorkovski a relancé La Russie ouverte lors d'une une conférence en ligne. L'organisation vise à réunir des citoyens, vivant à l'intérieur et à l'extérieur de la Russie, qui partagent les valeurs européennes d'un État fort, dynamique et prospective fondé sur des institutions démocratiques efficaces et la primauté du droit.

En 2008, le prisonier Mikhaïl Khodorkovski a eu une correspondance avec la célèbre romancière russe Ludmila Oulitskaïa. Dans des lettres candides et révélateurs, Khodorkovski a parlé de sa vie en prison, comment il a tenu le coup, et de sa vie comme un oligarque. Votre webmaster e traduit leurs lettres en anglais, français et néerlandais. Vous pouvez les lire suivant le lien ci-dessous.

Lioudmila Oulitskaïa et Mikhaïl Khodorkovski
Lioudmila Oulitskaïa et Mikhaïl Khodorkovski

Vers le blog de Jan F. Shibalov


Alekseï Navalny

Un autre adversaire de Vladimir Poutine, le célèbre blogueur Alexeï Anatolievitch Navalny, a également été habilement éliminé. Navalny, qui a été nommé Personnalité de l'année par le journal d'affaires russe Vedomosti en 2009, était connu pour ses blogs et ses initiatives d'émancipation civile. Un de ses stratégies, par exemple, existait en devenant actionnaire minoritaire dans plusieurs grandes entreprises d'état russes. En tant qu'actionnaire, il espérait obtenir de l'information qui lui permettrait de rendre les actifs financiers et la structure financière de ces entreprises plus transparentes. Navalny a été arrêté et condamné à plusieurs reprises pour quelques semaines de prison pour avoir participé à des manifestations.

Alexeï Anatolievitch Navalni
Alexeï Anatolievitch Navalny

Le 10 juillet 2013, quand il allait s'inscrire comme candidat pour le poste de maire de la ville de Moscou, Navalny a été arrêté sous les yeux de nombreux de spectateurs et la presse. Le 17 juillet, sa candidature a été officiellement acceptée. Le lendemain, cependant, le 18 juillet 2013, il a été condamné à cinq ans de camp de prison lors d'un procès dans la ville de Krilov. L'acte d'accusation a été encore plus absude que dans le cas de Khodorkovski et Lebedev. Selon le juge, Navalny aurait vendu 10.000 mètres cubes de bois de la compagnie de l'état KirovLes sous la valeur quand il était conseiller de Nikita Yourievitch Belych (°1975), le gouverneur de l'oblast Kirov en 2009. En faisant cela, il aurait pincé 400,000 euros. Le verdict de la cour correspondait mot pour mot à l'accusation du procureur, à l'exception de la punition. Le procureur avait demandé six ans de camp de travail.

Le soir du verdict, des milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de Moscou et d'autres grandes villes en Russie, en dépit de l'interdiction formelle des manifestations. Grâce à ces réunions, et peut-être aussi en raison de la pression internationale, une nouvelle surprenante sortit du bleu le lendemain: à l'initiative du procureur, Navalny a été libéré sous caution. Il est libre de nouveau en attendant la décision en appel.

Il a été suggéré que, avec la libération, le gouvernement russe a voulu offrir à Navalny une dernière chance de s'échapper. Le journaliste et militant des droits humains Alexandr Pinkhosovitch Podrabinek, co-signataire de la Déclaration de Prague, a suggéré sur le site Web de l'Institute of Modern Russia que les autorités ont manqué le moment où Navalny aurait pu être assassiné sans publicité. Le Kremlin voudrait le voir émigrer. Ils souhaiteraient qu'il essaie d'échapper à la cour en cherchant l'asile politique quelque part. Dans ce cas, il ne pourrait pas retourner en Russie sans risquer une punition.

En février 2014, Alexeï Navalny et son frère Oleg ont été poursuivis pour le détournement de fonds et blanchiment d'argent suite à une plainte déposée par Bruno Leproux, le directeur général de la filiale russe du producteur de cosmétiques et marques de beauté français Yves Rocher. Ils ont été accusés de détourner plus de 26,7 millions de roubles ou 540.000 de dollars de la filiale russe Yves Rocher Vostok entre 2008 et 2012. Malgré le fait qu'Yves Rocher France a nié qu'ils ont eu des pertes, Navalny a été mis en résidence surveillée le 28 février 2014, et interdit de communiquer avec quelqu'un d'autre que sa famille, après avoir été accusé d'avoir enfreint les restrictions de voyage.

Oleg Anatolievitch Navalni
Oleg Anatolievitch Navalny

Puis ont suivi deux événements surprenants. Tout d'abord, l'annonce du verdict avait été prévu pour le 15 janvier 2015. À cette date, les sympathisants avaient prévu des manifestations dans de nombreuses villes. Non seulement en Russie, d'ailleurs. Dans de nombreuses villes en Europe et aux États-Unis, les partisans de Navalny avaient prévu des manifestations devant les portes des magasins et des bureaux d'Yves Rocher. Mais le 29 décembre 2014, le juge a soudainement annoncé qu'elle annoncerait le verdict le lendemain, le 30 décembre 2014. La deuxième surprise a été qu'Alexeï Navalny a eu seulement 3,5 ans de prison avec sursis, alors que son frère Oleg a été condamné à 3,5 ans de prison et a été arrêté après l'annonce du verdict. L'on pourrait avoir l'impression que, en punissant le frère d'Alexeï plus fort, les autorités russes ont voulu mettre de la pression psychologique supplémentaire sur la famille des Navalny dans une autre tentative de les réduire au silence.

Mais Navalny ne se tut pas et il fut davantage harcelé. En 2018, il est devenu partiellement aveugle d'un œil après qu'un produit chimique lui a été jeté au visage.En juillet 2019, alors qu'il était en prison à la suite d'une condamnation pour incitation à manifester, il a été admis dans un hôpital de Moscou en raison d'un empoisonnement. .

Le 20 août 2020, Navalny, en route de Tomsk vers Moscou par avion, a dû être à transporté dans l'unité de soins intensifs d'un hôpital d'Omsk. L'incident a provoqué une agitation internationale et a soulevé des questions de dirigeants du gouvernement tels que la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron. Après que l'hôpital d'Omsk n'ait initialement remarqué aucun symptôme d'empoisonnement et ait refusé de le laisser partir pour l'Allemagne pour un traitement supplémentaire, il a été transféré à Berlin le 22 août. Là, les médecins ont découvert qu'il avait été empoisonné avec du novitchok, un poison nerveux développé par l'Union soviétique à l'époque. Ce serait beaucoup plus fort que d'autres toxines nerveuses telles que le sarin et serait plus difficile à combattre avec de l'atropine. C'est une arme très meurtrière qui n'est certainement pas disponible partout et qui suscite beaucoup de suspicion auprès du gouvernement russe.

En 2018, l'agent secret russe Sergueï Skripal et sa fille Julia ont également été empoisonné avec du novitchok à Salisbury au Royaume Uni. Skripal a été malade pendant longtemps, mais a survécu, mais un policier britannique est décédé.

Sergueï Skripal
Sergueï Skripal

Les Britanniques ont attribué cette attaque à Alexander Petrov et Rouslan Borchirov, deux agents du service militaire de renseignements russe GRU qui se trouvaient à Salisbury. Sur une vidéo par la suite, les hommes ne'lont pas nié, mais ont dit qu'ils ont voulu «visiter la cathédrale de Salisbury en tant que touriste».

Julia Skripal
Julia Skripal


Sergueï Magnitski

Si vous pensiez que c'était l'exemple le plus absurde, alors vous avez tort. Le 11 juillet 2013, la tribunal du district de Tver a condamné Sergueï Leonidovitch Magnitski (1972-2009) pour avoir détourné 230 millions de dollars. Détail macabre: Magnitski était déjà mort depuis trois ans et demi. Le 16 novembre 2009, il est mort dans une cellule de la prison Boutyrka à Moscou. Il était déjà onze mois en prison sans procès, et devrait donc être libéré huit jours plus tard, conformément à la loi russe.

Sergueï Leonidovitch Magnitski
Sergueï Leonidovitch Magnitski

Sergueï Magnitski était un avocat qui a travaillé pour le compte de Bill Browder (°1964), le propriétaire américain de Hermitage Capital Management, un fonds d'investissement à Londres, spécialisé dans le marché russe. Magnitski avait découvert que, sous la garde du ministre russe de l'Intérieur et de hauts fonctionnaires des impôts, un système a été mis en place par lequel 230 millions de dollars ont été volés du fonds.

Le 4 juin 2007, 20 agents du fisc ont fouillé le bureau de Browder à Moscou, et les documents qu'ils ont confisqué ont été utilisés pour changer la société de propriétaire et pour la transformer en une entreprise lourdement déficitaire. Le nouveau propriétaire s'est avéré être un certain Victor Aleksandrovitch Markelov (°1967), un meurtrier condamné qui avait été libéré deux ans plus tôt. Peu de temps après ce raid, la société avait fait tant de pertes qu'elle avait droit à un remboursement d'impôt de 230 millions de dollars. Le 24 décembre 2007, cette somme a réellement été remboursée... au «nouveau propriétaire».

Bill Browder
Bill Browder

Browder a contacté le gouvernement russe avec les conclusions de Magnitski, et a exigé que l'argent serait retourné, non pas au Hermitage, mais au peuple russe, et que les coupables seraient poursuivis. Le gouvernement russe a effectivement lancé une poursuite, quoique... non pas contre les officiers de police et les fonctionnaires qui ont été impliqués dans le vol. Non, au contraire, Magnitski a été accusé d'avoir détourné 17 millions de dollars, et Browder ne pouvait plus accéder à la Fédération de Russie.

Sergueï Magnitski a été transféré à la prison Boutyrka, l'un des centres de détention les plus mal famés en Russie. Il a été régulièrement privé de soins médicaux.

Une commission d'enquête officielle, qui a été commandé par le président Dmitri Medvedev, a démontré en juillet 2011 que l'acte d'accusation du procureur contre Magnitski était une fabrication. Le comité a également révélé que sa mort était due à l'absence de soins médicaux, et a même trouvé des preuves de torture.

Bill Browder a alors commencé à faire du lobbying aux Etats-Unis, et avec succès. Le 14 décembre 2012, le président Barack Obama a signé la Loi Magnitski. Cette loi interdit accès aux États-Unis et l'utilisation du système bancaire américain à tous les responsables de la mort de Magnitski.

Le gouvernement russe a réagi à son tour. Le 28 décembre 2012, le tribunal du district de Tver a jugé que les médecins de la prison Boutyrka ne pouvaient pas être imputées, et le décédé Magnitski a été déféré à la justice. Il a été jugé coupable. Lorsque les avocats de Magnitski ont dit qu'ils voulaient se pourvoir en appel, le gouvernement russe a répondu par la déclaration laconique que «les morts ne peuvent pas se pourvoir en appel». Cependant, l'on n'a pas spécifié comment ils peuvent être condamnés alors.


Revenez, Mikhaïl Boulgakov

Les cas de Navalny et Magnitski ont provoqué beaucoup de réactions, non seulement en Russie mais dans le monde entier. Le 20 juillet 2013, Denis MacShane, l'ancien ministre des Affaires européennes du Royaume-Uni, a écrit: «Where are you Mikhail Bulgakov when we need you?»


Kirill Serebrennikov

Le 22 août 2017, Kirill Semionovitch Serebrennikov (°1969), l'un des réalisateurs de cinéma et de théâtre russes les plus célèbres, a été arrêté.

Serebrennikov est le directeur du Centre Gogol, un théâtre expérimental progressif qui est populaire auprès des gens libéraux de Moscou. Il est connu pour ses productions contemporaines qui sont souvent directement liées à des thèmes politiques ou sexuels rarement représentés sur scène à Moscou.

Cependant, les charges ne mentionnent pas les points de vue politiques ou morales de Serebrennikov, mais - vous l'auriez déjà pu deviner - sur le détournement de fonds. Il s'agirait de plus de 68 millions de roubles, environ 975.000 d'euros ou 1,15 million de dollars. Serebrennikov aurait, entre autres, détourné les subventions de 2,3 million de roubles (32.999 d'euros ou 39.359 de dollars) qu'il a reçues de 2011 à 2014 pour la production du Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare par sa compagnie Studio Sept. Le procureur général a déclaré que la pièce n'a jamais été réalisée. Une déclaration absurde, parce que depuis sa première en 2012, les représentations en Russie et à l'étranger, y compris au Théâtre National de Chaillot à Paris et au Théâtre des Martyrs à Bruxelles, ont reçu une attention considérable dans la presse - à la fois pro et contre -, et la pièce a même été nominée pour des prix de théâtre. La réponse du procureur à cette conclusion était laconique: «Le fait que l'on a publié un article ne prouve pas que l'événement a vraiment eu lieu».

Serebrennikov avait déjà connu une année 2017 difficile. En mai, il a été interrogé «comme témoin dans une affaire de fraude», après la détention du producteur Alexeï Malobrodski et la comptable Nina Masliaïeva, deux anciens collaborateurs du Studio Sept. Lors des interrogatoires, Masliaïeva aurait fourni «les preuves de l'implication de Serebrennikov».

Ensuite, les représentations d'un ballet sur le célèbre danseur Rudolf Noureïev (1938-1993), qui devaient avoir lieu en juillet au Théâtre Bolchoï, ont été annulées trois jours avant la première. Selon Vladimir Ourine, le directeur du théâtre, la mise en scène «n'était pas encore prête», mais les initiés ont signalé qu'il était mis sous pression pour supprimer le ballet parce que les relations homosexuelles de Noureïev étaient ouvertement représentées.

Le juge a décidé de placer Serebrennikov en résidence surveillée jusqu'au 19 octobre 2017. Dans un procès possible, il risque une peine de prison de dix ans.

Kirill Serebrennikov
La détention de Kirill Serebrennikov


Certains sont autorisés à détourner des fonds

Le 29 mars 2001 à 22h00, un homme et une femme ont été arrêtés qui avaient essayé de passer la frontière avec la Suisse à la poste de douane Bietingen, près de Gottmadingen, en Allemagne. Ils portaient un sac à main et une mallette avec des documents et des disquettes. La femme s'appelait Tamara Rouditch (°1959), et elle était une biologiste moléculaire. Le nom de l'homme était Oleg Lototski(°1962), l'ami et partenaire d'affaires de Madame Rouditch. Ils ont dit qu'ils étaient sur un voyage d'affaires à Zurich. Le poste douanier de Bietingen n'est pas sur les routes normales vers la Suisse, il ya des rarement des individus qui passent par là.

Les documents qu'ils portaient ont montré des transactions d'une valeur de 5 milliards de dollars sur six banques, dont Credit Suisse, Deutsche Bank, ABN AMRO Bank et la Banque de Chypre. Le rapport qui a été soumis par les douanes à l'Office central de lutte contre la criminalité financière de Baden-Wurtemberg, a stipulé que le signataire autorisé était Vladimir Vladimirovitch Poutine, en ce moment président de la Fédération de Russie.

Pour autant que nous savons, Vladimir Poutine n'a pas été interrogé au sujet de cet incident, et il est toujours un homme libre.


Pas devant le tribunal, mais dans la rue

Quite some opponents of the regime of Vladimir Putin were not brought to court, but immediately killed. Especially journalists who wrote articles critical of the regime, were often brutally murdered. Not less than 144 journalist were killed between 1999, the year in which Putin started his first presidency, and 2014.

Beaucoup d'opposants au régime de Vladimir Poutine n'ont pas été traduits en justice, mais immédiatement tués dans la rue. En particulier des journalistes qui ont écrit des articles critiquant le régime, ont souvent été brutalement assassinés. Pas moins de 144 journalistes ont été tués entre 1999, l'année où Poutine a entamé sa première présidence, et 2014.


Anna Politkovskaïa

Anna Stepanovna Politkovskaïa (1958-2006) était l'une des peu de journalistes independants en Russie. Elle a écrit pour la Novaïa Gazeta, le seul journal qui ose être critique et elle a publié quelques livres dont La Guerre Sale est bien connue. Elle était souvent menacée. Un officier militaire russe a été incriminé pour cela en 2003, mais il a été déchargé. Le 7 octobre 2006, Politkovskaïa a été trouvée morte dans un ascenseur de son appartement à Moscou, apparement abattue. Le meurtrier avait laissé l'arme, un revolver, avec les balles, dans l'ascenseur.

Anna Stepanovna Politkovskaïa
Anna Stepanovna Politkovskaïa

En février 2009, trois suspects ont été déférés à la justice: Sergueï Tchadjikourbanov, un ancien officier de l'Unité contre la criminalité organisée de la police de Moscou, et les deux frères tchétchènes Ibrahim Makhmoudov et Djabrail Makhmoudov. Un troisième frère, Roustam Makhmoudov qui aurait tiré les coups de feu, ne pouvait pas être arrêté parce qu'il s'était caché en Belgique. Les trois accusés ont été acquittés par un jury. Après des fréquentes manifestations, principalement venant des pays de l'Ouest, la Cour suprême russe a ordonné un nouveau procès. Au printemps de 2011, une délégation de chercheurs russes a été envoyé à la Belgique, où Roustam Makhmoudov et son oncle Lom-Ali Gaitoukaïev ont été interrogés aux prisons de Termonde et de Liège et remis au gouvernement russe.

Le 14 décembre 2012, Dmitri Pavlioutchenko, un autre ancien officier de police, a été condamné à 11 ans de colonie pénitentiaire pour son implication dans l'assassinat de Politkovskaïa. Au moment de l'assassinat Pavlioutchenko fut lieutenant-colonel de la quatrième division de la police de recherche de Moscou. Il a dit aux enquêteurs que l'assassinat a été organisé par Lom-Ali Gaitoukaïev et commandé par l'homme d'affaires Boris Berezovski (1946-2013) , qui aurait spécifiquement demandé de le faire le 7 octobre, le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine. Gaitoukaïev aurait été chargé de la mission en juillet 2006, et il aurait engagé Pavlioutchenko, Tchadjikourbanov et ses trois cousins dans le complot. Aleksandr Bastrykine, chef de l'enquête, a déclaré qu'il n'y a aucune preuve de l' implication de Berezovski.

Berezovski, homme d'affaires et ami de l'ancien président russe Boris Eltsine, a été condamné en Russie par contumace pour détournement de fonds, fraude et blanchiment d'argent, et a vécu en exil auto-imposé au Royaume-Uni depuis 2001. Il a reçu le statut de réfugié à Londres et un passeport où il a changé son nom pour Platon Elenine. Il a toujours été un fervent critique de Vladimir Poutine, et a été trouvé mort dans son appartement avec un nœud coulant autour du cou le 23 mars 2013.

Le 20 mai 2014, les frères Makhmoudov, leur oncle Lom-Ali Gaitoukaïev et Sergueï Tchadjikourbanov ont finalement été jugés coupables par un jury à Moscou. Le 9 juin 2014, Lom-Ali Gaitoukaïev et Roustam Makhmoudov ont été condamnés à vie. Sergueï Tchadjikourbanov a eu 20 ans, tandis que les deux autres frères Makhmoudov ont été condamnés à 12 et 14 ans en tant que complices. Les cinq ont échangé des sourires dans leur cages vitrées dans la salle d'audience avant d'écouter le verdict.

Vladimir Markine, le porte-parole du Comité d'enquête a déclaré que les autorités sont toujours à la recherche de la véritable cerveau derrière l'assassinat. «Des mesures exhaustives ont été prises en ce moment pour trouver l'initiateur du meurtre», at-il dit.


Boris Nemtsov

Un autre opposant au régime qui a perdu la vie de manière violente était Boris Yefimovitch Nemtsov (1959-2015).

Nemtsov est entré en politique au cours de la tentative de putsch contre l'ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev (°1931) en août 1991. Il a organisé la résistance des citoyens contre les soldats insurgés dans la défense de l'édifice du Parlement. Le coup a échoué et Nemtsov a été remarqué et intégré dans l’équipe de l'ancien président russe Boris Eltsine. En tant que gouverneur de sa ville natale de Nijni-Novgorod, et à partir de 1997 en tant que vice-premier ministre et ministre de l'Énergie, il a joué un rôle majeur dans la privatisation des anciennes entreprises d'Etat communistes.

En 1998, il a dû démissionner et il a fondé le parti de l'Union des forces de la droite libérale. Il fût un leader de l'opposition libérale au président Vladimir Poutine. En 2004, il a soutenu la Révolution orange en Ukraine et il fût conseiller économique de l'ancien président ukrainien Viktor Andriyovytch Iouchtchenko (°1953), dont le visage fit gravement défiguré à la suite d'un empoisonnement à la dioxine pendant la campagne électorale.

Boris Yefimovitch Nemtsov
Boris Yefimovitch Nemtsov

Boris Nemtsov a été assassiné dans le centre de Moscou, le vendredi 27 février 2015 à moins de 100 mètres du Kremlin. Il avait 55 ans. Un tireur non identifié a tiré Nemtsov quatre fois dans le dos quand il se promenait à travers le Bolchoï Moskvoretski Most, un pont près du Kremlin. Il est mort quelques heures après qu'il avait fait un appel pour protester contre la guerre en Ukraine à une manifestation de masse le dimanche suivant. Quelques jours avant l'assassinat, il avait déclaré dans une interview qu'il craignait que le président voulait sa mort pour son opposition à la guerre. L'endroit où l'assassinat a été commis, et où votre webmaster a passé tous les jours quand il habitait à Moscou, est infestée de caméras de vidéosurveillance. Par conséquent, il doit y avoir des images de ce qui se est passé. Il est frappant que le ministre russe de l'Intérieur Vladimir Alexandrovitch Kolokoltsev (°1961), est arrivé immédiatement après les événements à la scène du crime pour «superviser personnellement l'enquête».

En 2013, Mentsov a publié Jeux olympiques d'hiver dans une zone subtropicale, un rapport sur la corruption et les abus impliqués dans l'organisation des Jeux olympiques d'hiver 2014 à Sotchi. L'ancien Président de la Géorgie, Mikheil Saakashvili, (°1967) a déclaré à CNN qu’au moment de sa mort, Nemtsov était en train de travailler sur un rapport sur la participation de la Russie dans le conflit avec l'Ukraine. «Il a préparé une annonce sur l'Ukraine», Saakachvili a déclaré. «Il voulait montrer au public russe ce qui se passe là-bas réellement.» Cela peut avoir été fatal pour Nemtsov. Aleksandr Ryklin, un de ses amis a dit: «Celui qui défend l'Ukraine est considéré ces jours comme un traître par les médias russes Une ambiance est créée dans laquelle tout le monde qui est en désaccord avec Poutine est un traître. Ce qui est certainement vrai quand il se agit de l'Ukraine... ».

La Russie nie officiellement que ses soldats se battent en Ukraine. Pourtant, des soldats russes sont tués chaque jour dans cette «guerre non déclarée». Leurs corps sont retournés en Russie dans des camions en tant que Груз 200 [Grouz 200] ou Cargo 200, le nom de code utilisé en Russie pour des cadavres quand ils sont transportés du champ de bataille. Nemsov a été assassiné le vendredi, 27 février 2015 dans le centre de Moscou, peu de temps après il avait annoncé qu'il allait publier un rapport détaillé sur l'implication de la Russie en Ukraine sous le titre Путин. Война. [Poutine. Voina] ou Poutine. Guerre. Après sa mort, ses collègues ont finalisé le rapport et ils l'ont distribué via Internet.

Ici vous pouvez télécharger le rapport de Boris Mentsov [ru].

Télécharger le rapport


Selon le Ministre britannique à la Défense Ben Wallace, la Russie a trouvé une «solution» au problème du Cargo 200 à sa manière. Le pays dispose désormais de crématoires mobiles qui peuvent suivre les forces d'invasion et «évaporer» les cadavres. Le ministère britannique de la Défense a publié une vidéo des camions capables d'incinérer les corps un par un et a suggéré le 23 février 2022 que le Kremlin pourrait les déployer dans sa guerre contre l'Ukraine pour cacher le nombre de victimes.

Zaur Dadaïev
Zaur Dadaïev

Le 29 juin 2017, l'ancien militaire tchétchène Zaur Dadaïev a été condamné à 20 ans de prison pour le meurtre de Nemtsov. Il a été arrêté avec quatre compagnons qui ont été condamnés entre 11 et 19 ans de prison. La famille de Nemtsov est convaincue que les cinq ne sont pas les véritables auteurs, mais seulement les pions du véritable cerveau derrière l'attentat : le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov (°1976). Kadyrov a qualifié Dadaev comme «l'un des combattants les plus courageux qu'il ait jamais connus».

Ramzan Kadyrov
Ramzan Kadyrov


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