Propagande dans le temps de Poutine

La propagande dans la Fédération de Russie contemporaine

Sous le régime du président Vladimir Vladimirovitch Poutine (°1952), les anciennes techniques de propagande et de censure se sont épanouies à nouveau en Russie. Les principes sont les mêmes que dans l'ère de Staline, bien que les méthodes utilisées sont adaptées aux temps modernes. Presque tous les médias russes sont contrôlés par le Kremlin et souvent ils se limitent à répéter les nouvelles émises par le Kremlin, de sorte que de nombreux Russes ne savent pas ce qui se passe réellement dans le monde. Le raisonnement est le même que celui qui a jistifié la propagande quil a prospéré dans le temps de Mikhaïl Boulgakov: le monopole de l'information est détenue par le Kremlin pour assurer la «sécurité de l'information maximale».

Le seul journal entièrement libre en Russie est la Новая Газета [Novaïa Gazeta] ou La Nouvelle Gazette, pour lequel a travaillé la journaliste assassinée Anna Stepanovna Polikovskaïa (1958-2006). L'ancien président Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev (°1931) a aidé à mettre en place ce journal avec l'argent qu'il avait gagné avec son Prix Nobel de la Paix.

The Moscow Times, un journal en langue anglaise qui est distribué gratuitement à Moscou, et qui est distribué par la société de médias finlandaise Sanoma est également totalement indépendant du Kremlin, mais atteint presque exclusivement les expatriés anglophones et les touristes.

D'autres médias libres furent la station de radio Эхо Москвы [Ekho Moskvi] ou L'Écho de Moscou et la chaîne de télévision Телеканал Дождь [Telekanal Dojd] ou Le Canal de la pluie. Cependant, leur histoire s'est terminée le 3 mars 2022.


Mensonges sur la guerre

Peu de temps après l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe le 24 février 2022, l'agence de censure russe Roskomnadzor, le Service fédéral de surveillance des communications, des technologies de l'information et des médias, qui organise essentiellement la censure sur internet, a exigé qu'une série de médias indépendants suppriment le contenu décrivant la guerre de la Russie en Ukraine comme une «guerre», une «attaque» ou une «invasion». Il s'agit notamment des stations mentionnées ci-dessus Novaïa Gazeta et Télékanal Dojd. Le gouvernement russe décrit la guerre comme une «opération militaire spéciale» limitée à la région orientale du Donbass en Ukraine. Les bombardements de Kiev, Kharkov, Kherson, Marioupol et d'autres grandes villes ne sont même pas mentionnés dans les médias contrôlés par l'État.

Le 1er mars 2022, le bureau du procureur général russe a demandé au chien de garde Internet Roskomnadzor de limiter les diffusions de L'Écho de Moscou et Télékanal Dojd en raison de leur couverture de l'invasion de l'Ukraine, affirmant qu'ils «diffusaient délibérément de fausses informations sur les actions du personnel militaire russe» ainsi que des informations «appelant à des activités extrémistes et à la violence».

Plus tard dans la journée, L'Écho de Moscou a été retiré des ondes pour la première fois depuis 1991. Le 3 mars 2022, le conseil d'administration a décidé de fermer la station. Le même jour, Télékanal Dojd a également annoncé qu'il suspendait temporairement ses opérations et vers la fin de la dernière émission, le personnel a quitté le plateau tandis que les protestations résonnaient sur la musique du Lac des cygnes de Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893. Ce dernier faisait référence au coup d'État d'août 1991, lorsque les stations de radio et de télévision ont omis de rapporter les nouvelles et ont plutôt diffusé la musique dudit ballet.


NTV

L'un des premiers jalons majeurs dans le contrôle sur les médias russe sous Poutine fut sans doute le raid du Kremlin sur la chaîne de télévision NTV. Cette station fût fondée par Vladimir Aleksandrovitch Goussinski (°1952) en 1993, après l'effondrement de l'Union soviétique, et dès le début il a attiré les meilleurs et les plus éminents journalistes. La station a introduit des normes professionnelles élevées dans le monde de la télévision russe et a apporté des analyses pointues de l'actualité. Elle est devenu un leader de la couverture des nouvelles dans la Fédération de Russie nouvellement créé. Dans la tradition d'une presse libre, la station a également été critique envers Vladimir Poutine, qui a été souvent joué un rôle dans l'émission hebdomadaire satirique Куклы [Koukli] ou Poupées.

Poutine, Eltsine et Gorbatchov dans Koukli
Poutine, Eltsine et Gorbatchov dans Koukli

Initialement, cette approche critique fût tolérée, mais après un épisode de Koukli en février 2000, le recteur de l'Université d'Etat de Saint-Pétersbourg Lioudmila Alekseïevna Verbitskaïa (1936-2019) a fait un appel public à poursuivre les responsables de l'émission. Le 11 mai 2000, les bureaux de NTV ont été attaqués par les autorités fiscales, accompagnés par des membres de la police secrète du FSB. Comme c'est arrivé à d'autres critiques du régime, Goussinski a été arrêté et accusé de fraude. Un an après, le 14 avril 2001, NTV a été acquis en vertu de la force par la société d'énergie de l'État Gazprom. Le magnat du pétrole Mikhaïl Borisovitch Khodorkovski (°1963) a encore essayé de garder la station indépendante en offrant un investissement de 200 millions, mais cela n'a pas aidé grande chose. L'acquisition par Gazprom était la fin de l'indépendance de la station. NTV est devenu l'un des nombreux médias contrôlés par le Kremlin et le directeur général Vladimir Mikhaïlovitch Koulistikov a commencé à exclure systématiquement toute couverture critique du Kremlin.

Faits et fictions aux séances d'information des vendredi

Après l'acquisition par Gazprom, NTV a commencé à fréquenter les soi-disant séances d'information des vendredi, des réunions hebdomadaires formelles avec la presse au Kremlin, dirigées par Vladislav Iourievitch Sourkov, chef adjoint de l'administration présidentielle de 1999 à 2011, auxquelles la presse fût dit que ce qui pouvait être publié et comment l'on devrait le formuler.

Vladislav Iourievitch Sourkov
Vladislav Iourievitch Sourkov

Quelques exemples frappants de rapports orchestrées dans les médias russes peuvent être trouvés dans la couverture de la guerre en Ukraine. Le 17 juillet 2014, quand l'avion de Malaysia Airlines avec numéro de vol MH17 s'est écrasé dans le village ukrainien Hrabové dans l'oblast de Donetsk, les journaux russes initialement n'ont pas mentionné cette tragédie. Ensuite, quand l'on ne pouvait plus l'ignorér, le gouvernement ukrainien a été mis responsable de l'accident. La fiction la plus extrême a été créée par la chaîne de télévision Russia Today (RT), qui a cité un Espagnol qui a supposément travaillé au service de contrôle de la circulation aèrienne à Kiev. Il aurait personnellement vu que l'avion avait été abattu par un avion de combat ukrainien. Craignant les services secrets ukrainiens, il aurait fui vers l'Espagne. Mais il s'est avéré que les tweets avec ses «révélations» n'ont pas été envoyés de l'Espagne, mais de Londres.

Soldats russes tués en Ukraine

Quant à la guerre elle-même, le Kremlin, et donc aussi la presse russe, nie que les soldats russes se battent en Ukraine. Cependant, pour certains Russes cette guerre est très réelle, parce que chaque jour des soldats russes sont tués dans ce conflit «non-existant». Leurs corps sont transportés à la Russie dans des camions marqués Груз 200 [Grouz 200] ou Charge 200. Charge 200 est un terme bien connu par tous les Russes, car c'est le code largement utilisé pour le rapatriement des cadavres du champ de bataille. Les corps renvoyés sont secrètement enterrés et les familles ne peuvent pas communiquer à ce sujet. Les journalistes qui osent signaler les activités des Chargse 200 sont souvent menacés et battus.

Un convoi de Gruz 200 sur son chemin vers la Russie
Un convoi de Gruz 200 sur son chemin vers la Russie

Le mouvement citoyen russe Открытая Россия [Otkrytaïa Rossia] ou Russie ouverte, créé par Mikhaïl Khodorkovski, a publié une liste détaillée de soldats russes tués en Ukraine. Le 27 février 2022, le gouvernement ukrainien a été inspiré par cette initiative pour lancer le site web en langue russe РФ 200 (ищи своих) [RF 200 (ichtchi svoïkh)] ou RF 200 (trouver les vôtres), pour donner au peuple russe la possibilité de s'informer sur compatriotes tombés ou blessés. Avant de cliquer sur le lien ci-dessous, je tiens à vous avertir que certaines images ne conviennent pas aux lecteurs sensibles.

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Boris Yefimovitch Nemtsov (1959-2015), leader de l'opposition, a été assassiné le vendredi, 27 février 2015 dans le centre de Moscou, peu de temps après qu'il avait annoncé qu'il allait publier un rapport détaillé sur l'implication de la Russie en Ukraine sous le titre Путин. Война. [Poutine. Voina] ou Poutine. Guerre. Après sa mort, ses collègues ont finalisé le rapport et ils l'ont distribué via Internet. Vous pouvez télécharger le rapport en russe ici.

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Le 28 mai 2015, Vladimir Poutine est allé plus loin dans la tromperie en décrétant que la mort ou les blessures des soldats russes dans des «opérations spéciales» peuvent être considérées comme des secrets militaires, même en temps de paix. Ainsi, il dispose désormais d'une base juridique pour arrêter les journalistes et les militants des droits humains de recueillir et de publier des informations sur les soldats tués.

Sur un plan personnel, ce décret rend également difficile aux parents de recueillir des informations sur les soldats morts ou blessés. Le refus de la Russie de reconnaître que des soldats russes sont impliqués dans les combats signifie également que les blessés n'ont pas droit à des indemnités d'invalidité, et que les membres de la famille des soldats tombés au combat ne reçoivent aucune compensation.

Dmitri Sergueïevitch Peskov, le secrétaire de presse de Poutine, a dit que le décret n'a rien à voir avec l'Ukraine. Il a dit qu'il était «juste une amélioration de routine de la législation sur les secrets d'état».

Selon le Ministre britannique à la Défense Ben Wallace, la Russie a trouvé une «solution» au problème du Cargo 200 à sa manière. Le pays dispose désormais de crématoires mobiles qui peuvent suivre les forces d'invasion et «évaporer» les cadavres. Le ministère britannique de la Défense a publié une vidéo des camions capables d'incinérer les corps un par un et a suggéré le 23 février 2022 que le Kremlin pourrait les déployer dans sa guerre contre l'Ukraine pour cacher le nombre de victimes.

Dans les médias russes, on affirme constamment que la guerre en Ukraine n'est pas une guerre, mais une opération militaire limitée, dans laquelle seules des cibles militaires sont visées. Pendant ce temps, des écoles, des hôpitaux et des immeubles d'appartements sont bombardés. Lorsque l'armée russe a encerclé la ville de Marioupol pour que personne ne puisse sortir, le Kremlin a promis d'autoriser des «corridors» qui permettraient aux civils de quitter la ville. Malgré cette promesse, le 6 mars 2022, des tirs de mortier ont été tirés sur des civils en fuite. À Irpine, une mère, ses deux enfants et un ami de la famille ont été abattus devant les caméras d'une équipe du New York Times.

Irpine
Les victimes à Irpine

Le 7 mars 2022, il semblait que des corridors allaient être créés. Il y avait cependant un hic: les corridors permettaient seulement des fuites en direction de la Russie et de la Biélorussie. Les résidents de Kiev pouvaient se rendre à Domel en Biélorussie, les résidents de Soumi et de Kharkiv pouvaient aller à Belgorod en Russie et les résidents de Marioupol pouvaient être transportés à Rostov-on-Don, également en Russie. Ainsi, Poutine voulait pouvoir dire dans les communications destinées au peuple russe que les Ukrainiens fuyaient leur «régime nazi» pour chercher refuge en Russie et en Biélorussie. Dommage pour lui, personne ne voulait se réfugier en territoire ennemi.

Le 4 mars 2022, la Douma d'État a adopté une loi instaurant des sanctions pour la «diffusion de fausses informations sur les forces armées russes et l'opération militaire en Ukraine», les «déclarations discréditant les forces armées» et les «appels à des sanctions contre la Russie». Un groupe de personnes qui utilisent leur position «pour diffuser de fausses informations ou distribuer de fausses nouvelles avec des preuves falsifiées» pourrait être emprisonné de 5 à 15 ans.

Version numéro 6

En avril 2000, le journal russe Kommersant était encore plus ou moins indépendant. En ce moment, Veronika Iosifovna Koutsyllo, le chef de la rédaction politique du supplément week-end Vlast, avait trouvé un document intitulé Structure de l'administration présidentielle de la Fédération de Russie, qui serait plus tard connu sous le nom de Редакция N 6 [Redaktsia No. 6] ou Version numéro 6, se référant à Salle numéro 6, une histoire populaire écrite par Anton Pavlovitch Tchekhov (1860-1904) en 1892 sur un asile d'aliénés où une réalité construite entre en collision avec la vie réelle. Le document fut un mémorandum stratégique circulant dans le Kremlin sur, entre autres, la façon de traiter la presse. Gleb Olegovitch Pavlovski (°1951), un conseiller de Vladimir Poutine à l'époque, ne se souvient pas exactement qui a écrit le document, mais il a confirmé son existence. Le document a décrit que le Kremlin devrait suivre deux pistes: une politique ouverte et une politique secrète. Il était expliqué comment les dirigeants, devant le monde extérieur, devraient se comporter «de manière strictement libérale, respectueux de la loi et de la constitution», mais que leurs politiques doivent également avoir une composante secrète qui devrait être utilisé «pour conserver et consolider le pouvoir».

Gleb Olegovitch Pavlovski
Gleb Olegovitch Pavlovski

Le document décrit spécifiquement que le Kremlin devrait contrôler les activités des médias au niveau fédéral, régional et local par «le recueil et l'utilisation des informations sur les activités commerciales et politiques de tous les médias, au sujet de leur personnel et de leur direction, et de leurs resources financières, économiques, matérielles et techniques». En outre, des informations devraient être recueillis sur «les activités commerciales et politiques des journalistes professionnels, leurs sources de financement, leurs lieux de travail, etc.» Selon les auteurs, les informations obtenues «devrait être relancées dans la société, mais «dans la bonne perspective». Les auteurs ont également suggéré de «recueillir des informations compromettantes sur l'opposition et les médias qui sympathisent avec elle» et de «les mettre dans des difficultés financières en révoquant leurs licences et leurs certificats et en créant des conditions dans lesquelles ils ne peuvent plus poursuivre leurs activités». NTV a perdu son indépendance dans le temps où cette note a été établie. Vous pouvez télécharger le texte de Version numéro6 en russe en cliquant sur la flèche ci-dessous

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Tout est sous contrôle

Outre le contrôle de la couverture des nouvelles, le Kremlin a également travaillé sur la configuration des règles prohibitives pour les informations fournies par d'autres. Plus précisément, le réseau social Facebook, le moteur de recherche Google et le réseau de messages Twitter ont été visés. Selon Maksim Ksenzov, chef-adjoint de Roskomnadzor, le Service fédéral de surveillance des communications, des technologies de l'information et des médias, ces sites doivent être considérés comme des «fournisseurs d'information», et devraient donc être enregistrés comme tel. «Ces plates-formes sont dangereux pour le peuple», at-il dit, «à cause de ces sources, les Russes pourraient avoir une vue erronée sur le monde». L'obligation d'enregistrement à laquelle il se réfère s'applique à tous les blogs ayant plus de 3000 visiteurs par jour. Ils doivent être enregistrés auprès du Roskomnadzor comme médias de masse, avec les mêmes obligations que les journaux et les chaînes de télévision, mais sans avoir des droits journalistiques.

En l'absence de droits journalistiques, Roskomnadzor peut bloquer l'accès à des blogs comme ceux de Garry Kimovitch Kasparov (°1963), l'ancien champion du monde d'échecs, et Alekseï Anatolievitch Navalny (1976-2024), un dissident bien connu qui publie souvent des exemples de la corruption en Russie. Il recueille et publie des informations sur les nombreuses malversations éprouvées menées par les membres du parti Russie unie de Vladimir Poutine, mais ses blogs sont souvent inaccessibles pour le public russe.

Non seulement les auteurs de blogs sont surveillés. De plus en plus leurs lecteurs sont aussi suivies. Depuis l'été 2014, dans certaines espaces publiques, il n'est plus possible d'utiliser le wifi de façon anonyme. Ceux qui veulent accéder à l'internet, sont obligés de s'identifier d'abord.

En novembre 2017, la Douma russe a adopté quelques amendements aux lois «sur l'information» et «sur les médias» autorisant Roskomnadzor à limiter extrajudiciairement, à la simple demande du Parquet général, les informations publiées par des organisations non gouvernementales étrangères considérées comme «indésirables», ou par des médias étrangers étiquetés comme «agents étrangers» en Russie.

Deux semaines plus tard, le 11 décembre 2017, Roskomnadzor a bloqué plusieurs ressources en ligne à la demande du bureau du procureur général, citant l'article 15.3 de la loi fédérale n° 149-FZ.

La liste des sites bloqués comprend openrussia.org (Russie ouverte), openuni.io (L’université ouverte), or.team (Équipe Russie ouverte), pravo.openrussia.org (le projet des droits de l'homme de Russie ouverte), imrussia.org (l'Institut de la Russie moderne), khodorkovsky.ru (site personnel de Mikhaïl Khodorkovski), et vmestoputina.ru (Alternatives à Vladimir Poutine). En dehors de la Russie, les sites web sont toujours accessible.

Cela signifie que, pour les personnes résidant en Fédération de Russie, l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui stipule que «tout individu a droit [...] de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit», n’est plus d’application.

Le 4 mars 2022, la Douma d'État russe a approuvé à l'unanimité une nouvelle loi sur «la diffusion de fausses informations» sur les forces armées russes et l'opération militaire en Ukraine, «les déclarations qui discréditent les forces armées» et «les appels à des sanctions contre la Russie». Quiconque Quiconque enfreint cette loi encourt une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison. La loi s'applique rétroactivement et également aux étrangers. Donc, en théorie, le soussigné peut également être arrêté.

«Russification des médias»

En octobre 2014, le président Poutine a signé une loi qui stipule que les sociétés étrangères ne peuvent pas avoir un intérêt de plus de 20 % dans les médias russes. La loi entrera en vigueur le 1er janvier 2016. La principale justification était «le désir d'assurer la sécurité de l'information maximale au peuple russe». «Quand les étrangers possèdent les médias d'un pays, ils ont accès à l'esprit des gens et ils peuvent façonner l'opinion publique», a déclaré Vladimir Volfovitch Jirinovski (°1946), né Vladimir Eidelstein et leader du LDPR ou les Libéraux-démocrates, un parti politique fondé par le KGB en 1989. Et il a continué: «Nous avons besoin de tracer une ligne claire: Est-ce que ces étrangers veulent juste faire des affaires ou veulent-ils imposer leurs opinions et changer la situation dans le pays?»

Vladimir Volfovitch Jirinovski (Eidelstein)
Vladimir Volfovitch Jirinovski (Eidelstein)

La dernière étape - jusqu'à présent - dans la construction de la machine de propagande de la Russie d'aujourd'hui a été la création de l'agence de nouvelles Spoutnik. En décembre 2013, le président Vladimir Poutine a promulgué un décret de liquider l'agence de nouvelles russe РИА Новости [RIA Novosti] et la station de radio d'état Голос России [Golos Rossii] ou La voix de la Russie, et de les fusionner en Спутник [Spoutnik]. RIA Novosti contrôle la chaîne précitée Russia Today (RT), qui diffuse des nouvelles sur la Russie dans le monde entier en anglais, allemand, français, arabe et espagnol. Le 17 avril 2012, RT a surpris le monde par la diffusion du talk-show The World Tomorrow, hébergé par Julian Assange (°1971) de Wikileaks. Le premier invité était Hassan Nasrallah (°1960), le chef de l'organisation terroriste libanaise Hezbollah.

Conformément à cette concentration des médias, le moteur de recherche Spoutnik a été lancé en 2014. Il fonctionne non seulement comme un moteur de recherche classique, mais aussi comme un portail internet. L'interface est intuitif et ne montre que les nouvelles «correctes». Il a été calibré pour montrer la «vraie nature» des choses.

L'image de la Russie à l'étranger

Dans la phase préparatoire du G8 que Vladimir Poutine a organisé en 2006 à Saint-Pétersbourg, il a commencé à travailler avec l'agence de relations publiques américain Ketchum, une division du géant de marketing Omnicom. Dirigée par son Directeur des Affaires publiques et corporatives Kathy Jeavons, Ketchum a tenté de polir l'image de la Russie à l'étranger. Par exemple, elle a réussi à mettre Vladimir Poutine comme Personnalité de l'année sur la couverture du magazine Time en 2007, et à faire publier un article d'opinion remarquable, A Plea for Caution From Russia dans le New York Times du 11 septembre 2013. Ce texte fût écrit par Vladimir Poutine qui a pu, avec cette contribution, s'adresser directement au peuple américain pour clarifier sa position sur le conflit en Syrie.

Kathy Jeavons
Poutine sur la couverture de Time

Entre 2006 et 2014, Ketchum a reçu 29,5 millions de dollars du gouvernement russe et un autre 32 millions de dollars de la société d'État Gazprom. Ce dernier contrat fût arrêté en 2014. Ketchum a également géré le site ModernRussia.com, plus tard rebaptisé en ThinkRussia.com. Ceux qui comptent uniquement sur ce site pour être informé sur la Russie, verraient un pays très paisible et idéal. En mars 2014, par exemple, le titre principal de ce site n'était pas l'annexion de la Crimée ni le déploiement de troupes russes à la frontière ukrainienne, mais l'ouverture d'une crêperie russe à New York

Kathy Jeavons
Kathy Jeavons

Le 12 mars 2015, Ketchum a annoncé qu'ils n'étaient plus en mesure de faire face à la «guerre de l'information» par les médias occidentaux contre la Russie et que, par conséquent, ils mettraient fin à leur contrat avec le gouvernement russe. Les activités seraient encore continués par leur partenaire européen GPlus, une société opérant depuis Bruxelles en Belgique. GPlus s'est également ocupé la gestion de ThinkRussia.com comme l'on peut le lire sur la page d'atterrissage du site: il regroupe «les matières diffusées par gplus europe au nom de la Fédération de Russie".

Mais le Kremlin ne travaille pas seulement avec des professionnels. Tout comme dans la période stalinienne, des citoyens ordinaires sont utilisés et payés pour soutenir les objectifs du régime. De plus en plus des trolls sont utilisés dans la guerre médiatique. Des trolls sont des gens qui, au nom de l'état russe, publient des commentaires positifs sur les actes de Vladimir Poutine et le gouvernement russe sur Facebook, Twitter, des sites de nouvelles et d'autres sites sur internet. Ils le font non seulement sur des sites russes, mais aussi sur des sites internationaux afin d'influencer l'opinion publique anglophone.

Les trolls travaillent pour la société Агентство интернет Исследований [Agentsvo internet Issledovani] ou l'Agence de recherche Internet, qui opérait initialement dans un bâtiment à Primorskoïe Chossé n° 131 à Olgino, Saint-Pétersbourg, d'où ils ont tiré leur surnom de trolls d'Olgino. Depuis, l'agence a changé plusieurs fois d'adresse. Vous pouvez en savoir plus sur le travail des trolls en cliquant sur le lien ci-dessous

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Lavage de cerveau

Des entreprises comme l'Agence de recherche Internet recrutent souvent leurs - jeunes - employés au Camp Seliger. C'est un rassemblement annuel des jeunes au Lac Seliger, à environ 350 km de Moscou, avec un fort caractère d'endoctrinement.

Des jeunes au Lac Seliger
Des jeunes au Lac Seliger

Tout comme le Parti communiste à l'époque de Lénine et de Staline, l'équipe de Vladimir Poutine a compris que l'endoctrinement précoce produit des partisans fidèles et bon marché. En mai 2000, Vasili Grigorievitch Yakemenko (°1971), un employé de 29 ans de l'administration de Vladimir Poutine a créé Идущие вместе [Idouchtchie vmiesie] ou Marcher ensemble. Ce mouvement de jeunes applique des règles strictes et des méthodes d'endoctrinement qui rappellent fort le Komsomol de l'ère soviétique. Les membres ont été particulièrement remarqués par leurs actions contre l'écrivain russe contemporaine Vladimir Georgievitch Sorokine (°1955) et le groupe de rock Leningrad. Les symboles et les pratiques internes du groupe l'ont donné rapidement le surnom Putinjugend. L'activisme des membres a été promu avec des récompenses comme des «étoiles» et des t-shirts avec l'image de Poutine. Un membre qui avait remporté sa première «étoile», devait trouver 50 nouveaux membres. En 2004, Marcher ensemble était dans une situation de crise. Un des membres du groupe s'étaient engagé dans la distribution des vidéos pornographiques, et il y avait des discussions entre la direction financière à Saint-Pétersbourg et le siège à Moscou. C'était le signal pour le Kremlin de créer un nouveau mouvement le 1er mars 2005.

Vasili Grigorievitch Yakemenko
Vasili Grigorievitch Yakemenko

Le nouveau mouvement a été appelé Наши [Nachi] ou Les nôtres. Le groupe avait été fondée comme une réaction à la Révolution orange d'un an plus tôt en Ukraine, où les manifestations menées par des jeunes avaient fort contribué à l'élection du président pro-occidental Viktor Andriovitch Iouchtchenko (°1954). Nachi a essayé d'empêcher ou même briser des manifestations de masse en Russie en occupant les endroits avant que l'opposition a pu s'y recueillir. Le groupe a de nouveau été dirigé par Vasili Yakemenko, celui qui était derrière Marcher ensemble. Selon ses propres déclarations, le groupe a reçu de l'argent du Kremlin. En 2010, il aurait reçu 200 millions de roubles - à cette époque l'équivalent de 5,4 millions d'euros. Le précité Vladislav Sourkov, l'homme des réunions des vendredi avec la presse, est généralement considéré comme l'un des initiateurs. Il rêvait d'un groupe paramilitaire qui pourrait menacer et attaquer les critiques de Poutine comme «ennemis de l'État».

Lors d'un événement de formation politique en 2006, le conseiller du Kremlin surmentionné Gleb Pavlovski a déclaré que, selon lui, les membres de Nachi n'ont pas montré suffisament de brutalité: «vous devez être prêt à briser les manifestations et à 'utiliser la force contre toute tentative d'attaquer la constitution». Nachi organise régulièrement des actions contre les ambassades étrangères. En 2006, le mouvement a poursuivi l'ambassadeur britannique à Moscou Anthony Brenton (°1950) et sa famille pendant quatre mois, sept jours par semaine. L'action a été organisée parce Brenton avait assisté à une réunion de l'opposition. Le groupe distribue également des brochures dans lesquelles des déclarations jamais faites de politiciens déchus de la grâce, comme l'ancien Premier ministre Mikhaïl Mikhaïlovitch Kassianov (°1957) sont présentées comme des citations réelles, ou dans laquelle l'Union Soviétique est présentée comme une période de prospérité matérielle et d'abondance. Plusieurs membres de Nachi ont témoigné qu'ils ont reçu de l'argent pour participer à des manifestations ou des contre-manifestations. Un tarif normal est de 500 roubles. Nashi fournit également le public pour d'autres projets pour glorifier les dirigeants russes comme, entre autres, les jolies Filles de Medvedev. Ce groupe de filles a été créée le 4 août 2011 et montre parfois ses seins nus pour soutenir la politique de Dmitri Anatolievitch Medvedev (°1965).

Les filles de Medvedev
Les filles de Medvedev

Afin d'élargir la base pour augmenter le nombre de jeunes à rejoindre Nachi, le mouvement Мишки [Michki] ou Les petits ours a été fondé le 6 décembre 2007, comme un mouvement de jeunesse pro-Poutine pour les enfants de 8 à 15 ans. Tout comme Nachi peut être comparée à la Komsomol, ce mouvement d'enfants fondée par Ioulia Konstantinovna Zimova (°1987 montre de fortes similitudes avec les Jeunnes Pionniers de la période soviétique. Dès leur jeune âge, les enfants sont déjà endoctrinés pour montrer l'amour inconditionnel pour la personne de Vladimir Poutine. Ils ont également été mobilisés pour des démonstrations comme, entre autres, les infâmes élections de 2012.

Ioulia Konstantinovna Zimova
Ioulia Konstantinovna Zimova

 

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