Endoctrinement des enfants
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Lavage de cerveau
Des entreprises comme l'Agence Internet de recherche recrutent souvent leurs - jeunes - employés au Camp Seliger. C'est un rassemblement annuel des jeunes au Lac Seliger, à environ 350 km de Moscou, avec un fort caractère d'endoctrinement.
Marcher ensemble (la Putinjugend)
Tout comme le Parti communiste à l'époque de Lénine et de Staline, l'équipe de Vladimir Poutine a compris que l'endoctrinement précoce produit des partisans fidèles et bon marché. En mai 2000, Vasili Grigorievitch Yakemenko (°1971), un employé de 29 ans de l'administration de Vladimir Poutine a créé Идущие вместе [Idouchtchie vmiesie] ou Marcher ensemble. Ce mouvement de jeunes applique des règles strictes et des méthodes d'endoctrinement qui rappellent fort le Komsomol de l'ère soviétique. Les membres ont été particulièrement remarqués par leurs actions contre l'écrivain russe contemporaine Vladimir Georgievitch Sorokine (°1955) et le groupe de rock Leningrad. Les symboles et les pratiques internes du groupe l'ont donné rapidement le surnom Putinjugend. L'activisme des membres a été promu avec des récompenses comme des «étoiles» et des t-shirts avec l'image de Poutine. Un membre qui avait remporté sa première «étoile», devait trouver 50 nouveaux membres. En 2004, Marcher ensemble était dans une situation de crise. Un des membres du groupe s'étaient engagé dans la distribution des vidéos pornographiques, et il y avait des discussions entre la direction financière à Saint-Pétersbourg et le siège à Moscou. C'était le signal pour le Kremlin de créer un nouveau mouvement le 1er mars 2005.
Nachi
Le nouveau mouvement a été appelé Наши [Nachi] ou Les nôtres. Le groupe avait été fondée comme une réaction à la Révolution orange d'un an plus tôt en Ukraine, où les manifestations menées par des jeunes avaient fort contribué à l'élection du président pro-occidental Viktor Andriovitch Iouchtchenko (°1954). Nachi a essayé d'empêcher ou même briser des manifestations de masse en Russie en occupant les endroits avant que l'opposition a pu s'y recueillir. Le groupe a de nouveau été dirigé par Vasili Yakemenko, celui qui était derrière Marcher ensemble. Selon ses propres déclarations, le groupe a reçu de l'argent du Kremlin. En 2010, il aurait reçu 200 millions de roubles - à cette époque l'équivalent de 5,4 millions d'euros. Le précité Vladislav Sourkov, l'homme des réunions des vendredi avec la presse, est généralement considéré comme l'un des initiateurs. Il rêvait d'un groupe paramilitaire qui pourrait menacer et attaquer les critiques de Poutine comme «ennemis de l'État».
Lors d'un événement de formation politique en 2006, le conseiller du Kremlin surmentionné Gleb Pavlovski a déclaré que, selon lui, les membres de Nachi n'ont pas montré suffisament de brutalité: «vous devez être prêt à briser les manifestations et à 'utiliser la force contre toute tentative d'attaquer la constitution». Nachi organise régulièrement des actions contre les ambassades étrangères. En 2006, le mouvement a poursuivi l'ambassadeur britannique à Moscou Anthony Brenton (°1950) et sa famille pendant quatre mois, sept jours par semaine. L'action a été organisée parce Brenton avait assisté à une réunion de l'opposition. Le groupe distribue également des brochures dans lesquelles des déclarations jamais faites de politiciens déchus de la grâce, comme l'ancien Premier ministre Mikhaïl Mikhaïlovitch Kassianov (°1957) sont présentées comme des citations réelles, ou dans laquelle l'Union Soviétique est présentée comme une période de prospérité matérielle et d'abondance. Plusieurs membres de Nachi ont témoigné qu'ils ont reçu de l'argent pour participer à des manifestations ou des contre-manifestations. Un tarif normal est de 500 roubles. Nashi fournit également le public pour d'autres projets pour glorifier les dirigeants russes comme, entre autres, les jolies Filles de Medvedev. Ce groupe de filles a été créée le 4 août 2011 et montre parfois ses seins nus pour soutenir la politique de Dmitri Anatolievitch Medvedev (°1965).
Afin d'élargir la base pour augmenter le nombre de jeunes à rejoindre Nachi, le mouvement Мишки [Michki] ou Les petits ours a été fondé le 6 décembre 2007, comme un mouvement de jeunesse pro-Poutine pour les enfants de 8 à 15 ans. Tout comme Nachi peut être comparée à la Komsomol, ce mouvement d'enfants fondée par Ioulia Konstantinovna Zimova (°1987 montre de fortes similitudes avec les Jeunnes Pionniers de la période soviétique. Dès leur jeune âge, les enfants sont déjà endoctrinés pour montrer l'amour inconditionnel pour la personne de Vladimir Poutine. Ils ont également été mobilisés pour des démonstrations comme, entre autres, les infâmes élections de 2012.
Enlèvements
Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, des milliers d’enfants ukrainiens ont été enlevés par l’armée russe. Le Kremlin lui-même affirme que la Russie a pu «soustraire 700.000 enfants à la guerre provoquée par l’Ukraine». «Les enfants sont protégés du régime nazi à Kyiv». L'Ukraine affirme avoir vérifié les noms de plus de 19.000 enfants transférés en Russie ou sur un territoire sous contrôle russe.
Retirer des enfants sans intention de les rapatrier ultérieurement est considéré comme un crime de guerre en vertu de l'article 2, paragraphe «e», de la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, mais selon Poutine, il n'y a pas de problème dans ce cas-ci. Il nie tout simplement le droit à l’existence de l’Ukraine en tant que nation et des Ukrainiens en tant que peuple. Cela signifie que l’identité ukrainienne constitue une menace pour ceux qu’ils considèrent comme des enfants russes. Les enfants ukrainiens sont principalement enlevés dans les quatre régions annexées par la Russie fin septembre 2022: Louhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson. La Russie considère ces zones comme russes. Donc si vous sortez les enfants de là, c'est en fait une bonne action
La Néerlandaise Hella Rottenberg de la plateforme journalistique Raam op Rusland, auteur du livre Z Comment Poutine voulait rendre la Russie à nouveau grande, décrit l'ensemble de l'organisation: «Avant que les régions ne soient reprises par la Russie, elles étaient lourdement bombardées par les troupes russes. Les seules voies d'évasion qui n'ont pas été bombardées menaient à la Russie. Les gens avaient le choix d’aller en Russie ou de rester en danger. Les voies d'évasion passaient souvent par des camps filtrants spéciaux. Ces enfants ont été séparés de leurs parents et envoyés seuls en Russie. Des enfants ont également été amenés en Russie depuis des orphelinats ukrainiens.
Une fois que les enfants arrivent en Russie, ils sont adoptés de force par des parents russes ou placés dans des orphelinats. Ils doivent également aller dans des écoles russes. De cette façon, leur identité ukrainienne s’efface peu à peu. Les enfants doivent apprendre le russe et n’ont plus le droit de parler ukrainien. Ils ne sont autorisés à lire que de la littérature russe et à apprendre uniquement sur la culture russe et les héros russes».
Le journaliste d’investigation a également constaté que la Russie veillait à ce que les enfants reçoivent rapidement des passeports russes. «Plus les enfants restent longtemps en Russie, plus il est difficile de défaire leur lavage de cerveau et de restaurer leurs origines et leur histoire. Les enfants ne sont pas censés retourner en Ukraine, ils sont en train d’être transformés en Russes».
La communication autour de ces enlèvements était parfois très cynique, comme le montre la vidéo ci-dessous. Imaginez un instant que notre Commissaire aux droits de l’enfant fasse kidnapper un enfant par des soldats à l’étranger pour ensuite l’adopter et l’endoctriner lui-même. Bizarre? Pas pour Poutine et la Commissaire fédérale russe aux droits de l'enfant Maria Alekseïevna Lvova-Belova (°1984). Elle-même a «adopté» un enfant kidnappé à Marioupol et en est très fière.
Rééduquer et mobiliser
Au moins 6.000 enfants ukrainiens dans les territoires occupés ont participé à des camps d’été financés par l’État russe. En février 2023, une étude de l’Université de Yale a identifié 43 camps décrits comme des camps de rééducation. Le Kremlin ne le nie pas, mais affirme que les camps sont une opportunité pour les enfants «d’échapper à la guerre pendant un certain temps».
Ces camps mettent en œuvre un programme appelé Послезавтра [Poslezavtra] ou Le jour après demain . Il s’agit notamment d’activités qui «apportent un soutien social et psychologique aux enfants de la zone de guerre» et visent à «initier les enfants au système éducatif, à l’histoire et à la culture de la Russie». Il s’agit essentiellement d’endoctrinement idéologique et de russification.
Les camps sont organisés par l'administration de la Commissaire aux droits de l'enfant susmentionnée, Maria Alekseïevna Lvova-Belova. Elle a confié la direction du programme, officiellement intitulé «Aide humanitaire aux enfants de la République populaire de Donetsk, de la République populaire de Louhansk et de l’Ukraine», à un homme qui sait exactement ce que la russification vise à réaliser. Après tout, il s’agit de son conseiller Alekseï Aleksandrovitch Petrov (°1996).
Avant de devenir conseiller de Lvova-Belova, Petrov a publié des messages de groupes suprémacistes blancs, néonazis et d’extrême droite sur ses propres profils de réseaux sociaux. Il a également publié des liens sur Skype et Instagram faisant référence à des organisations suprémacistes blanches et à Adolf Hitler. Ce n'est qu'après avoir été sollicité pour commenter par Reuters en juillet 2023 qu'il a supprimé certains de ses messages et liens. Il a également démissionné de quelque 150 groupes, dont le groupe Оставайся белым [Ostavaisa belym] ou Restez blanc, qui se consacre à l'idée de «la renaissance de la grande Russie».
Le rapport de l’Université de Yale a également révélé que la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie avait commencé avant même le début de l’invasion à grande échelle du 24 février 2022. Les premiers transports d’enfants, début février 2022, concernaient un groupe de 500 orphelins présumés «évacués» par la Russie depuis l’oblast de Donetsk. Le Kremlin a justifié cette décision en déclarant qu’«une offensive de l’armée ukrainienne était attendue». Trois semaines plus tard, l’offensive de l’armée russe commença.
L'agence de presse Reuters a constaté qu'en janvier 2023, la commissaire aux droits de l'enfant Maria Alekseïevna Lvova-Belova a rendu visite à un groupe d'enfants enlevés à l'école professionnelle n° 27 de Henichesk, dans le sud occupé de l'Ukraine. Là, elle a dit à une jeune fille: «Tu pourras étudier dans n’importe quelle université russe, même à Moscou». Elle a promis aux enfants des passeports russes et a déclaré qu'après leur 18e anniversaire, ils recevraient chacun 100 000 roubles et un appartement s'ils restaient dans le territoire occupé.
Les garçons, âgés de 16 et 17 ans, font l'objet d'une surveillance accrue pour les empêcher de s'échapper et de retourner en Ukraine. Le jour de leur 18e anniversaire, ils reçoivent un ordre de mobilisation pour combattre comme soldats russes contre leurs compatriotes.
Une histoire distincte est celle de l'enlèvement de Margarita Prokopenko, âgée de dix mois, du Centre de réadaptation sociale et psychologique de Kherson. Cela montre que les enlèvements sont bien préparés avec la coopération de hauts fonctionnaires de la Douma et du Kremlin. Vous pouvez le lire en cliquant sur le lien ci-dessous.
Cliquez ici pour lire l'histoire de Margarita Prokopenko
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La propagande sous Poutine
La censure sous Poutine
Illustrations
Un camp de Seliger
Marcher ensemble
Vasili Grigorjevitch Yakimenko
Les Filles de Medvedev
Ioulia Konstantinovna Zimova
Hella Rottenberg
Maria Alekseïevna Lvova-Belova
Enfants «évacués» de Donetsk
dans le camp de Zolotaïa Kosa (Rostov)
Alekseï Aleksandrovitch Petrov
distribue des cadeaux au camp
«Soyez le meilleur. Restez blanc»